Faut-il payer pour être aimé ?

Le narcissisme se contruit dés l'enfanceLe narcissisme se cultive dès la tendre enfance !

Comment se sentir aimé dès lors que l’on ne s’en estime pas digne de l’être ? Le narcissisme se construit dès les premiers instants de la vie, à partir de la relation parentale.

Un petit garçon raconte un jour : ’’ David ne veut pas jouer avec moi à la récréation… »: « Ah bon, pourquoi ? répond le psy. D’une voix sanglotante, il ajoute : «Pourtant, je lui ai donné tous mes Pokémon…’’
Et le psy de rajouter : ’’Tu pensais qu’il fallait lui donner tous tes Pokémon pour qu’il ait envie de jouer avec toi ?  ‘’Ben, oui… ‘’  conclut le petit garçon !

Cette histoire aux allures attendrissantes et innocentes, préfigure des complications d’ordre psychiques en marche dès l’enfance s’étendant à l’âge adulte. C’est ainsi que quelques années plus tard, le jeune devenu adulte se sent harcelé par des questions et des affirmations du type : ‘’Pourquoi ai-je l’impression que personne ne m’aime ? Pourquoi ai-je l’impression que je ne vaux pas grand-chose ? » Ou encore ‘’Je ne vaux rien, personne ne m’aime’’…

Qu’un enfant se croit obligé de distribuer tous ses jouets à ses copains pour qu’ils aient envie de jouer avec lui n’est en effet, pas innocent. Cela dénote d’une croyance intérieure laquelle est : sa personne n’est pas suffisamment à la hauteur pour intéresser les autres. Pour être aimé il lui faut donc « payer » : en Pokémon, en services rendus…  Ce comportement n’est pas le seul apanage des enfants, les adultes distribuent à leur façon des ‘’Pokemons’’ ou rendent service pour obtenir de l’estime ou de l’amour de l’autre en retour : ‘’C’est incroyable, tous les cadeaux que je lui ai fait et les services que je lui ai rendus et au final aucune reconnaissance, à peine un merci et encore !’’

D’où vient chez ces enfants et ces adultes cette difficulté – voire cette impossibilité – à s’accorder une valeur ? Elle provient d’une faille dans ce que la théorie analytique désigne par le vocable « narcissisme ».

Le « narcissisme » dit également, l’amour de soi, le sentiment de valeur, l’image que l’on a de soi-même – est une notion souvent mal perçue parce que complexe. Elle est généralement à consonance péjorativement rappelle une forme pathologique. Rappelons au passage le mythe dont elle est issue : Narcisse, si amoureux de son image entrevue dans l’eau, qu’il en oublie l’extérieur et les autres. Si captivé par elle, qu’il se noiera en voulant la saisir.

Le terme ne recouvre cependant pas seulement l’idée d’excès. Entre penser que l’on ne vaut rien et se prendre pour le nombril du monde, il existe un juste milieu : un narcissisme que l’on peut dire « normal » et nécessaire à chacun. On ne peut vivre si l’on ne s’aime pas un tant soit peu.

Comment le narcissisme se structure-t-il ?

Au début de sa vie, l’enfant ne peut ni s’aimer ni aimer qui que ce soit, car il ne se perçoit pas  encore comme individué  c’est-à-dire comme un être « un » à part entière. Il a lui même un vécu fractionné car chaque part de de son corps est le siège de « pulsions », de tensions sans relations entre elles : sa bouche crie, son ventre gargouille, etc. Progressivement, à l’aide du « contenant » que constituent la présence, les paroles et les soins de la mère, une première « unité » va se réaliser, rendant possible l’investissement de l’énergie libidinale qu’il porte en lui.

Et pour cela, il commence à s’attacher à sa propre personne. C’est ainsi que durant cette phase de l’existence, le bébé se perçoit comme le nombril du monde, de fait, l’extérieur n’existe pas pour lui. Il lui apparaît comme un pseudopode de son être et il est persuadé qu’il le dirige par la seule force de sa pensée. Il ressent sa mère comme une partie de son propre corps. La voyant accourir sans délai au moindre de ses appels, il est en effet persuadé qu’il a autant de pouvoir sur elle que sur sa main ou sur son pied.

Freud parlera de ‘’narcissisme primaire », qui vaut pour tout être humain et constitue une étape cruciale dans son développement psychique. Toute distorsion à ce niveau entraînera des troubles du comportement. Le narcissisme primaire est éphémère dans la mesure où le nourrisson grandissant, sa mère espace de plus en plus les réponses à ses demandes et c’est ainsi qu’il réalise progressivement qu’elle n’est pas une part de lui, mais au contraire, elle dispose d’une existence propre. Il en déduit par conséquent, l’existence d’une réalité extérieure à lui sur laquelle sa pensée n’a pas prise.

Cette prise de conscience, permettant la mise en place du « principe de réalité » revêt toute son importance. En effet, elle favorise l’action sur la réalité extérieure, mais également le choix des objets d’amour. C’est l’époque où il commence à s’attacher à des personnes, à des objets, etc.

Sa libido, qui n’était jusque-là orientée que vers lui, se déplace et investit le monde extérieur. Mais, pour autant, l’enfant ne renonce pas à s’investir lui-même. Il continue à s’aimer. Sa libido se scinde en deux : l’une sert à s’aimer lui-même, Freud la désigne comme étant  la libido du moi, l’autre, à aimer les autres. Il l’appellera la , « libido d’objet ».

Le narcissisme secondaire

Freud entend par « narcissisme secondaire », cet amour de soi qui succède à la découverte de la réalité extérieure. Des failles (narcissiques) à son niveau déclenchent chez un sujet un certains nombres de difficultés. Comme Freud l’enseigne, nous ne possédons qu’une quantité limitée de libido. Nous sommes donc astreints à retirer de la libido de nous-même pour aimer les autres. A contrario, si l’on s’aime exagérément, il ne nous restera que peu d’amour, voir pas du tout à transmettre aux autres.

Freud cite l’exemple de deux cas extrêmes :

• Celui de l’état amoureux, où l’objet aimé, paré de toutes les qualités, est mis sur un piédestal tel que l’amoureux ne peut en retour que s’autodéprécier. Quiconque aime est toujours, peu ou prou, dans la position du « ver de terre amoureux d’une étoile »…

• A l’inverse, celui du symptôme comme le « délire de grandeur », qui pousse le paranoïaque à se penser comme l’incomparable génie d’un monde dévalorisé. L’équilibre entre « amour de soi » et « amour des autres » est un dosage particulièrement laborieux à établir.

Comment parvenir à cet équilibre : Parvenir à aimer l’autre tout en continuant à s’aimer soi-même ?

Bien des parents considèrent que l’enfant qui n’a pas confiance en lui est juste une question de caractère. Comme si le déficit en amour de soi, était inné. Or, il n’en est rien ! La conscience de sa valeur, la capacité à s’aimer, ne sont en rien des facultés avec lesquelles l’enfant né. L’être se construit avec l’aide précieuse de ses parents et acquiert progressivement ces capacités. Or si cette aide et mal ou peu octroyée il y a fort à parier, qu’une carence se ressentira chez l’enfant et/ou lorsque celui-ci  deviendra adulte.

Que faut-il faire pour qu’un enfant en vienne à penser de lui-même qu’il vaut quelque chose ? Il se doit être persuadé d’avoir une valeur pour ses parents. Cela n’est possible qu’à trois conditions :

La première, est qu’il ressente qu’il compte pour eux. C’est-à-dire qu’il est pris en compte par eux au titre de choses essentielles de leur vie. Cela va au-delà des mots qu’un parent peut témoigner à son enfant, mais relève de son ressenti. Ce qui fonde, chez un enfant, le sentiment de compter pour ses parents et du même coup, son narcissisme, c’est la certitude que son existence est essentielle à leur bonheur. Mais en même temps,  la façon dont ses parents manifestent qu’ils ont pour lui un projet de vie. Lorsque certains adultes, en proie à des dépressions chroniques, remontent en analyse le cours de leur vie, c’est souvent sur le constat d’un désir absent d’un ou des deux parents à leur égard, absence qui les a laissés sans appui pour soutenir leur propre désir de vie.

La seconde est qu’un enfant doit percevoir et sentir qu’il compte comme un être unique et singulier pour et par ses parents, or compter pour « un », c’est ressentir que l’on est perçu par autrui comme une individualité même en la présence de frères et sÅ“urs. Chacun doit se voir dans le regard de ses parents comme étant unique et différent des autres membres de la fratrie par exemple s’il en existe.

La troisième est qu’il ne suffit pas de dire à un enfant qu’il est épatant pour qu’il s’en persuade. Il faut l’accepter pour ce qu’il est et le respecter comme tel y compris dans sa sexuation, qu’il soit fille ou garçon, mais également dans son corps. L’enfant doit sentir également que son intimité et sa pudeur sont s ; que les étapes de son développement soient reconnues et admises par l’adulte. Etre encore lavé par sa mère à 8 ans, c’est être pris pour ce que l’on n’est plus, c’est-à-dire un « bébé », et c’est dévalorisant.

Enfin, un enfant dont les désirs et les opinions ne sont que peu ou pas pris au sérieux par les parents ne peut pas penser qu’il a de la valeur, y compris lorsqu’il deviendra à son tour adulte.

A tout cela, s’ajoute ce qui relève pour l’enfant de l’identification à ses parents. Ce que sont ses parents et particulièrement l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes est en effet, fondamental dans la construction de sa valeur. Il est difficile de penser que l’on est un enfant « bien » si l’on a des parents qui ont une opinion réductrice d’eux-mêmes. Un parent ayant une mauvaise estime de soi, aura de fortes chances de la transmettre à ses enfants, non qu’il s’agisse d’une transmission génétique mais simplement, un adulte qui se perçoit mal aura tendance à infliger des souffrances et un regard réducteur à ses enfants.

Le narcissisme a des racines bien plus profondes qu’il n’y paraît. Il est, pour tous les humains, et quel que soit leur âge, vital pour son propre développement mais également dans son développement social.

Un bon narcissisme, offre à l’adulte, une capacité à résister à résister aux épreuves qui peuvent porter atteinte à l’image de soi, telles que les ruptures, les licenciements, incidents de la vie courante qui donnent l’impression que l’on est rejeté pas ses amis…

Qu’elles soient petites ou grandes, les blessures narcissiques nous guettent à chaque coin de notre vie. Si l’on a, dans son enfance, acquis, grâce à ses parents, le sentiment de sa valeur, on est à même de relativiser les échecs : ils restent douloureux, mais ne sont pas destructeurs.

En revanche, si l’on a été, dès son plus jeune âge, privé de ce capital narcissique, chaque rencontre avec l’autre devient l’opportunité d’une remise en cause de son auto-évalutation : «Est-ce que je vaux quelque chose ? » La personne qui se questionne ainsi induit d’ores et déjà une insuffisance de son estime de soi.

Osez en parler soit en écrivant ci-dessous, soit en m’écrivant 

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