Partir ou fuir ?

Lorsque l’avenir s’affiche sous de mauvais cieux, le présent insupportable dont le passé qui le sous-tend est pesant, étouffant, harcelant, menaçant vis-à -vis de son équilibre et destructeur, lorsque les souvenirs, les contradictions, les intimidations, les inhibitions, tournent en mode récurrent, tel un lecteur vidéo dont le bouton pause aurait été supprimé et qui ne laisserait guère de possibilités que de laisser l’enregistrement se dérouler in fine. Que reste-t-il ? Fuir ! Mais comment fuir lorsque les matériaux les plus avilis sont en soi et nous collent comme l’ombre colle au corps de celui qui se situe face à  la lumière ? Écraser cette ombre, comme un enfant qui joue à  tenter de la faire la disparaitre, ou encore à  aller plus vite qu’elle ? Quelque chose, semble représenter un défi d’une nature folle, car il constitue l’impossible. Que s’offre-t-il comme choix à  celui dont l’ombre le harcèle, à  part le fait de constater qu’il ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière et qui lui est préférable de se dire, qu’il ne s’en séparera jamais ? Pour effacer cette ombre, il peut soit disparaitre de la scène sur laquelle le corps se joue, ou alors se mettre à  l’abri de cette lumière. En effet, disparaitre de la scène, n’apporte rien à  qui souhaite continuer à  en être l’acteur. Quant au fait de s’abriter de la lumière, fera que l’ombre se sera littéralement fondue dans le cœur d’une obscurité plus dense et plus étendue. Or qu’est-ce que la vie sans lumière ? Qu’est-ce la lumière sans ombre ? Il n’y a d’ombre que grâce à  la lumière et inversement, dans ce cas, il ne reste qu’à  considérer cette ombre comme un double soi. Lorsque certains des matériaux de l’ombre, nous compriment, fuir ne conduit qu’à  vouloir se fuir soi-même, chose que la vie rend impossible sauf peut-être à  opter pour la folie. Alors, il ne reste qu’à  accueillir cette ombre favorablement dans l’expérience extraordinaire qu’elle favorise au travers la rencontre avec l’obscur de soi et en soi. Nos réactions dans ce qu’elles comportent de plus variées et de plus complexes, nous dessinent les contours de cette ombre et nous conduit à  lire ce que nous sommes, autrement dit, en répondant au fameux a€˜’qui suis-je’’. Répondre au a€˜’qui suis-je’’ c’est également se figurer nos côtés les plus sombres, dans le sens de ce qu’on refuserait d’être. C’est certes, une souffrance plus importante que le chemin qui nous mène à elle. Mais là , une fois de plus, nous ne pouvons fuir ces figures avilissantes de notre ombre, car elles sont parties intégrantes de soi. Dès lors qu’elles sont acceptées et intégrées à  notre conscience, nous pouvons considérer que nous nous sommes accomplis. Alors plutôt que de vouloir accéder à l’impossible par la fuite, autant partir à  la rencontre de soi-même, et dans ce cas, bienvenue chez soi.

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