« Je me sens comme dans un rêve »

La dépersonnalisation en quelques mots

Le sujet dépersonnalisé est surpris de ne point éprouver personnellement tout ce qu’il ressent ; et pour ressaisir les états qui lui paraissent s’échapper il s’analyse de plus en plus. L’analyse est une lutte engagée contre la dépersonnalisation, lutte qui la renforce et l’aggrave suivant un cercle vicieux. ‘˜’je me sens comme dans un rêve’’ disait un patient dépersonnalisé. *

Se sentir comme dans un rêve, c’est être dépourvu du sentiment de réalité dans laquelle le sujet demeure. La dépersonnalisation se décline selon un spectre d’attitudes. Nombre de personnes sont incapables de prendre gout à  la vie, d’éprouver une quelconque émotion dans ce qu’ils vivent. Certains se montrent inaffectifs à  des degrés divers, d’autres in-émotifs, ce sont des états morbides, aux implications pesantes. D’autres affirment ne plus sentir, ne plus avoir d’intérêt à  vivre et cependant souffrent manifestement et de façon paradoxale de cette pseudo-apathie, en montrant qu’ils sont bien au contraire des personnes ultra sensibles, dont l’émotivité est seulement morbide par la direction anormale dans laquelle elle reste engagée. Elles se replient sur elles-mêmes en transposant sur leur personne tout l’intérêt affectif dont elles sont capables. Ce changement de direction s’accompagne d’ailleurs d’un changement de sens, le plaisir normal de vivre se muant au cours de cette intériorisation affective en douleur ou en angoisse. Or, une personne apathique ne tient le langage caractéristique des dépersonnalisés ; ils clament leur souffrance ou au contraire ne se plaignent de rien, suivant qu’ils sont des déprimés douloureux ou des diminués affectifs. L’inémotif à l’état pur n’existe pas.

La dépersonnalisation disparaît grâce à  la fixation de l’attention sur un élément extérieur tel qu’un paysage, un objet, ou un élément intérieur telle que la remise en mémoire d’un souvenir. Le relâchement de l’attention est donc une condition primordiale de la dépersonnalisation, à l’instar d’un rêve.

Si la dépersonnalisation dérive du relâchement de l’attention, c’est sans doute parce que le sujet dépersonnalisé ne porte plus beaucoup d’intérêts aux choses, ou encore porte un intérêt éphémère, pouvant être interrompu par des circonstances extérieures ou intérieures. L’intérêt est peu ou prou teinté affectivement et à  y regarder de plus près, détient une teneur légère, peu engagée. Le dépersonnalisé continue à  s’intéresser, mais il ne s’intéresse plus aux choses qui l’entourent, ni même à  ses propres états sans quoi il n’aurait de possibilité de dépersonnalisation. Il dispose d’un autre but. Quel est-il ?

Une recherche in fine de lui-même ! « je suis à la recherche de moi-même » disait un dépersonnalisé.

Pourquoi se cherche-t-il ? Parce que le trouble nébuleux de son fonctionnement psychique, teinté d’émotions ambivalentes, certes de tempérament sensible, affectif, vibrant, ne lui permet pas une action soutenue pour tenter d’affirmer sa personnalité.

Pourquoi ne se trouve-t-il jamais ? Parce qu’il ne sait pas ce qu’il cherche. On ne peut appréhender avec sa sensibilité une notion transcendante. La personnalité ne saurait exister et se manifester qu’objectivement, par le fait que tout converge et agit dans l’être psychique. Le dépersonnalisé cherche à  l’intérieur ce qui ne peut être appréhendé que de l’extérieur. Il cherche sa personne dans un espace incertain qui le contient et dans lequel il n’est point de but ni de limite.

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