Briser la fatalité de la négligence parentale.

Dissocier la nocivité de l’absence parentale de la toxicité d’un entourage hostile revient à  imposer à  l’enfant de choisir entre le fer et l’enclume.

Lorsque la maltraitance protéiforme de l’adulte s’exerce sur l’enfant réputé sans défense, par l’abus sexuel, par la négligence, l’enfermement, la privation de soins faut-il séparer alors l’enfant de ses parents  bourreaux et les placer en foyer pour les protéger ?

La question reste sensible et complexe et sa résolution induit des angoisses et de la culpabilité auprès de ceux qui ont en charge l’enfance, notamment les éducateurs, qui en en viennent à  s’interroger sur les outils les plus adaptés à  la sécurisation de l’enfant.

La séparation protège-t-elle l’enfant d’un ou des parents bourreaux et délivre-t-elle pour autant d’un traumatisme ? Non mais pis encore l! L’isolement dans l’optique d’une protection, c’est un traumatisme de plus qui s’y greffe, car de fait l’enfant relativise les sévices parentaux et conserve dans sa mémoire l’image de parents gentils en surévaluant le souvenir de l’agression de ceux qui l’ont protégé.

Dans un domaine ou¹ la linéarité n’a pas sa place, ou la logique s’incline au profit d’environnements les moins hostiles et les plus propices à  la reprise du développement, les décisions ne sont pas simples à  prendre. Rien ne permet de prédire le développement de l’enfant hormis celui dont on sait qu’il conduira au pire. Le pire est le nom de déficit psychiques majeurs sur le plan comportemental et intellectuel, le tout assorti de violences récurrentes.

Ce n’est pas la pauvreté des parents qui altère l’enfant, c’est l’isolement affectif et l’absence de routine.[1] l’enfant laissé à  l’abandon, finit par se sentir en insécurité, perd le plaisir de la découverte et l’apprentissage devient une hantise, une source d’angoisse. Il ne ressent plus le plaisir de dépendre d’un adulte contre lequel il peut se blottir, il ne peut que s’orienter vers son propre corps, se privant ainsi de tuteur de développement et le fait même de penser devient stressant car pour comprendre il faut créer une représentation nouvelle.

Le changement devient source d’inquiétude. Privé de routines affectives, penser est synonyme de souffrance, c’est pourquoi il s’en empêche.

Lorsque les défaillances parentales sont précoces et demeurent, l’enfant fixe dans sa mémoire un développement autocentré et un désert affectif l’envahit.

77% des enfants victimes de carences affectives souffrent de déficiences intellectuelles graves tandis que 95% de ceux qui n’ont pas eu d’enfance redoutent le fait d’apprendre à  devenir parents. En devenant parents, ils paniquent à  l’idée d’avoir à  infliger de mauvais traitements et d’infliger leurs angoisses et leurs conflits à  leurs enfants. Et par évitement, c’est ce qu’ils réussissent le mieux à  faire en produisant des enfants angoissés.

La fatalité ne s’applique dans ces milieux que parce qu’ils estiment que le devenir de l’enfant est joué d’avance, qu’il n’a pas eu de chance, qu’il est issu d’une mauvaise graine et qu’il n’aurait jamais dà» exister. A elle peut en revanche être brisée, ce par quoi l’enfant a€˜’défavorisé’’ par son milieu peut littéralement transformer sa trajectoire de vie prise dans un départ ponctué d’embuches et de souffrances en une voie porteuse de sens, de liberté et de joie.

[1] Boris Cyrulnik

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