Causes et conséquences du trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactvité.
Selon les données du ministère israélien de la santé, sur 186 500 enfants, 10,2% d’entre eux on était diagnostiqués avec un trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité. Ce chiffre est en constante augmentation. Il suit une tendance croissante mondiale. Les données fournies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), rapportent que 50 % des troubles mentaux diagnostiqués chez l’adulte, puisent leurs origines avant l’âge de 14 ans et 20% des enfants en sont atteints.
Les troubles du comportement chez l’enfant sont la deuxième cause de morbidité (après la dépression et l’anxiété) ainsi que chez les jeunes adolescents âgés de 10 à 14 ans. Parmi les troubles du comportement, on notera le trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité, [1] (TDAH).
Les garçons en sont plus affectés que les filles. En Israël, on notera 14% des garçons, contre 6.2% pour les filles. La tranche d’âge la plus élevée se situerait entre 12 et 17 ans avec 13,5%, contre 7,7% des enfants âgés de 4 à 11 ans. [2]
Le TDAH court partout, dans les écoles, dans les familles et les prescriptions de Méthylphénidate sous le nom Ritalin(e), Concerta et autres marques, connaissent proportionnellement une recrudescence dans la prescription d’environ 30%.
Autrefois, lorsqu’un enfant s’agitait un peu plus que ses camarades, on disait de lui qu’il était turbulent; si les devoirs étaient bâclés, on disait qu’il était paresseux; s’il faisait autre chose pendant la classe, on disait qu’il rêvait; s’il remplissait les trois conditions, on disait que c’était un cancre. Aujourd’hui l’interprétation de ses attitudes s’est médicalisée et l’enfant estimé turbulent est qualifié d’hyperactif, celui qui rêvasse, on dit de lui qu’il a un trouble de la concentration, s’il a les deux, on dit qu’il souffre d’un TDAH. Les raccourcis sont rapides et les étiquetages médicalisés, renvoient à l’idée d’une anormalité ! Ce qui par déduction nous conduit à l’idée selon laquelle, le conformisme est signe de normalité et de bonne santé mentale, alors qu’une simple entorse à la normalité devient pathologique.
La connotation d’hyperactivité bien que parfois galvaudée, que ce soit en dehors de l’enceinte scolaire ou dans les cours de récréation, n’en reste pas moins pathologique à l’heure actuelle. Or ce qu’il en relève, nécessite à priori une prise en charge pharmacologique, dont le prescripteur ne peut être que l’unique psychiatre. Il est important qu’un diagnostic correct soit posé, afin de déterminer les axes thérapeutiques possibles. De nombreuses fois, des diagnostics hâtifs sont prononcés et peuvent détruire la vie de l’enfant à commencer par sa scolarité, sans oublier les stress occasionnés et répétés dans les familles.
Les études des causes du TDAH, ont été réalisées au moyen de la neuroimagerie[3] explorant dans les champs génétiques, cérébraux, et neurochimiques, mais également sur le champ comportemental.
L’étiologie du TDAH pointe du côté d’un certains nombres de facteurs génétiques et environnementaux. Leurs interactions sont propices à nourrir des vulnérabilités comportementales. En d’autres termes, les facteurs génétiques seuls, ne produisent qu’une infime probabilité de faire émerger un trouble chez l’enfant. La présence de facteurs environnementaux sont nécessaires et interagissent avec les facteurs génétiques.
Facteurs causals du Trouble de l’attention et de l’hyperactivité
1/ Complications pré et périnatales.
Les naissances prématurées constituant environ 10% des naissances mondiales[4], peuvent occasionner des incapacités tant sur le plan physique et neurologique que sur le plan comportemental. Cela pourrait notamment produire des arduités à l’apprentissage.
2/ Usage d’alcool et de drogue durant la gestation
La consommation d’alcool et de stupéfiants durant la gestation, à des doses répétées, font encourir à l’enfant à naitre, des risques de développement du trouble du comportement dont le TDAH fait partie.
La consommation maternelle d’alcool pendant la grossesse peut entraîner un syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), une anomalie congénitale caractérisée par des retards de croissance et une dysmorphologie faciale mineure. Mais pas uniquement, les enfants alcoolisés durant la période embryonnaire et/ou fœtal éprouvent généralement des difficultés d’apprentissage, de mémorisation, d’attention et / ou de résolution de problèmes, ainsi que des carences tant dans leur régulation émotionnelle que dans la gestion du lien social[5]. L’exposition prénatale[6] à des drogues illicites, telles que le cannabis, les stimulants, les opiacés, les hallucinogènes et les solvants inhalés, peut également avoir des effets délétères sur la croissance et/ou le neurodéveloppement de l’enfant.
Un changement survenu dans l’environnement embryonnaire produit le risque de réunir des conditions à la survenue d’un TDAH.
3/ Tabagisme durant la grossesse
Le tabagisme chez une gravide, est considéré comme un risque potentiel d’hyperactivité chez l’enfant à naître[7]. 25 % des femmes américaines ayant accouché, déclarent avoir fumé pendant la grossesse. Millberger & All 1996, ont rapporté que 22 % des enfants atteints de TDAH ont été exposés durant leur période prénatale à de la fumée de cigarette. Le tabagisme perturbe les fonctions placentaires normales en diminuant le flux sanguin utérin[8]. Une diminution de l’apport d’oxygène et de l’alimentation du fœtus entraîne une hypoxie-ischemie et une malnutrition.
Diverses études ont montré que la consommation de cocaïne durant la gestation donnait lieu à des problèmes de comportement et des troubles de l’attention chez les enfants en âge préscolaire et scolaire, mais également des altérations comportementales par modification du système monoaminergique.[9]
4/ Facteurs psychosociaux
Le stress, la dépression et la difficulté de régulation émotionnelle durant la gravidité, occasionnent chez l’enfant la survenue de déficits cognitifs et le risque hautement potentiel de de développement d’un trouble de l’attention et de l’hyperactivité. Cela se produit entre 10 à 15 % [10] des cas.[11] L’exposition au stress prénatal peut d’une part, provoquer des changements dans le comportement de l’enfant par la sécrétion de la corticotrophine et par le dérèglement des fonctions de l’axe hypothalamique. D’autre part, il a été démontré que le stress augmente le transfert fœtal du cortisol maternel dans le placenta et diminue le niveau d’enzymes placentaires.[12] Par ce biais, le cortisol se transformerait en cortisone inactive et inhiberait le développement cognitif du fœtus.[13]
Les facteurs psychosociaux telle que la négligence parentale [14], les traumatismes émotionnels et les abus sexuels[15] sont corrélés à la survenu d’un TDAH. Les disfonctionnements dans la cellule familiale, les troubles mentaux chez l’un des parents, les conflits conjugaux, les difficultés socio-économiques, le comportement délinquant chez l’un des parents, l’alcoolisation fréquente du ou des parent(s) et/ou l’usage de stupéfiants, l’isolement social des parents, sont autant de facteurs pouvant vulnérabiliser l’équilibre psychologique de l’enfant[16].
La privation de soin de l’enfant, aurait une implication dans le TDAH. Selon des données recueillies à partir d’IRM élaborées auprès de jeunes adultes ayant grandi dans des orphelinats en Roumanie (durant l’ère Ceau?escu), le volume de leur cortex cérébral serait inférieur d’environ 8.6% par rapport à la moyenne[17]. De plus, il existe un effet délétère de la privation de soins sur le développement cognitif et social de la plupart des enfants qui en sont victimes. Une carence en soin, allant au-delà de six mois, engendre des troubles neurodéveloppementaux, y compris un TDAH ainsi que le développement d’un spectre autistique.[18]
Les facteurs du TDAH peuvent être multiples et confluents. Des traitements chimiques ne s’imposent pas nécessairement. Nombre de parents sont mis sous pression par les établissements scolaires pour que soient dispensés à ces enfants la potion nécessaire de psychostimulants capables de les transformer en image. Seulement la prescription chimique ne peut être à tout prix.
Bien diagnostiquer pour mieux y répondre
Le TDAH est bien souvent incorrectement diagnostiqué. On se fie à des impressions, à ses propres représentations, à des situations du quotidien, sans même prendre le temps de d’analyser et comprendre. Le comportement humain ne procède pas au changement par incantation. Bien des mécanismes sont en jeux et interagissent entre eux pour expliquer le comportement d’un sujet quel qu’il soit. La tonicité n’est en pas synonyme de maladie.
Près d’un million d’enfants américains [19] faussement diagnostiqués TDAH, subiraient des traitements médicamenteux injustement prescrits, alors que leur immaturité serait responsable de leurs conduites. Il est apparu que pour la plupart d’entre eux, ces enfants étaient un peu plus jeune que leur camarade de classe, d’où ce retard et ce ‘’trouble des conduites’’.
L’anxiété peut également peut également perturber l’apprentissage et expliquer ces erreurs de diagnostics. En effet l’enfant anxieux, focalise son attention sur ses propres pensées anxiogènes et non sur l’enseignant qui fait la leçon. Or, il est connu et reconnu que les enfants qui n’écoutent pas la leçon réussissent moins bien que ceux prêtent une attention plus soutenue. Par ailleurs, les troubles du langage affectent les aspects réceptifs de la compréhension et peuvent fausser le diagnostic. Enfin, les surdoués qui s’ignorent peuvent parfois perturber la classe, se montrer moins bons que les autres pour ne pas sortir du lot. En d’autres termes, n’est pas TDAH tout enfant qui s’exclue de l’image qu’on aimerait avoir de lui.
Que penser de la prescription médicamenteuse ?
Lorsque le TDAH est évoqué, on pense par réflexe à la Ritalin(e). Le neuromarkéting a bien fait son travail ! La Rétalin(e) dont la molécule est le méthylphénidate [20] fait parti des psychostimulants. Il y en existe bien d’autres dont la molécule est identique. Fortement médiatisé depuis quarante ans, pour remédier aux problèmes de l’attention. Tant dans la presse que dans les écoles, ce remède qui est dans toute les bouches, est loin d’être une panacée. Les écoles israéliennes ne pourraient jurer que par lui, peu importe les effets sur les consommateurs. La Ritalin est pourtant fortement décriée, mais de moins en moins prescrite à cause de ses effets indésirables[21] à court et moyen termes. Bien qu’il existe d’autres médications ayant un effet plus uniforme sur l’organisme, elles ne peuvent être prescrites abusivement, sans diagnostic rigoureusement établi et sans accord préalable des parents. Or la prescription injustifiée est souvent pratiquée au moyen de la pression exercée par certains enseignants mal informés et peu scrupuleux. Lorsque la prise de cette molécule intervient sans justification aucune, les effets secondaires sont encore plus dévastateurs.
Entre 2005 et 2011, environ 400 effets indésirables ont été notifiés aux centres de pharmacovigilance,[22] correspondant à plusieurs dizaines de milliers de personnes traitées.
Précisons que Loe et Feldman avaient réalisé en 2007 une étude sur les bénéfices obtenus à la suite de la prise de Methylphénidate (Ritalin – Concerta..). Ils parviennent à la conclusion qu’aucune preuve ne permet d’attester que ces médicaments ont un impact durable sur la performance.
Kempton, Vance, Maruff, Luk, Costin et Pantelis (1999) avait étudier la fonction exécutive chez les enfants utilisant des psychostimulants pour la gestion des symptômes du TDAH. Les enfants atteints de TDAH, rencontrent des carences de la fonction exécutive, y compris dans la planification dans la gestion du temps et la mémoire de travail. Ces enfants ont également montré des performances médiocres à certains tests de mémoire visuospatiale et d’apprentissage. Les enfants atteints de TDAH ayant pris des psychostimulants n’ont montré aucune altération de l’une des tâches de la fonction exécutive. Le bénéfice attendu, n’est pas tout à fait au rendez-vous.
Les capacités de compréhension jouent un rôle crucial dans l’apprentissage. Une étude a été menée par Bailey, Derefinko, Milich, Lorch et Metze (2011) pour évaluer l’impact du méthyphénidate sur la mémorisation. Il apparait que les résultats sont médiocres. Ce qui nous conduit à conclure que la molécule n’a pas favoriser une meilleure mémorisation.
Lorsque le traitement est inadapté, on observe les enfants sous médication perdre leur vitalité et devenir amorphes. Certains en perdent l’appétit jusqu’en devenir rabougris et leur courbe de croissance en pâtit. D’où la nécessité impérieuse de sous peser rigoureusement et sereinement le processus thérapeutique dans son ensemble.
Il est bon de savoir que la loi israélienne de 2011[23], interdit formellement qu’un intervenant scolaire quel qu’il soit, exerce une quelconque pression sur un parent refusant de médicamenter son enfant un traitement aux psychostimulants. Cela signifie, que le ministère de l’éducation peut être saisi à tout moment. Il en est de même en France, ou au Canada.
Repenser le TDAH
Bouger rime avec exister, pour l’enfant atteint du TDAH. Il saisit tout ce qui se loge à portée de main, pour l’observer, le manipuler, le triturer. Il tient assez peu en place. Sur son siège, il gambille, se courbe, se tourne, se torsionner, se lève, sautille sur place. C’est bien sa façon à lui de se concentrer. En effet, bouger accroit le volume de l’hippocampe[24]. De plus, la neuroanatomie montre que le lobe frontal du cortex, prend en charge deux groupes de fonction que sont, attention/auto-contrôle et motricité, connectés l’un à l’autre par une chaine neuronale. Lorsque l’un des deux groupes est sollicité, l’autre a toutes les chances de l’être simultanément. Ainsi, les neurones des aires motrices vont stimuler les muscles par un influx nerveux, et un signal électrique stimulera à son tour l’une des fonctions cognitives, en l’occurrence l’attention.
L’agitation de l’enfant TDAH, prend une autre signification, car elle dénote d’une volonté à demeurer attentif, contrairement à ce que cela peut laisser paraitre. Le sommer d’arrêter, revient à porter atteinte à son attention qu’il alimente par l’activité motrice.
Travailler avec un enfant TDAH, c’est le sécuriser, c’est lui apprendre tout, en respectant son tempo : à canaliser son activité motrice au bénéfice de son attention, plutôt que de procéder par sommation à l’interdiction de bouger, qui au final, ne produira qu’une écoute passive, voire nulle.
Puisque l’activité motrice est son fort, autant lui faire exercer une activité physique, au cours de laquelle l’ensemble du corps pourra se mouvoir à volonté.
Lui faire faire un sport d’équipe, favoriserait l’interaction sociale au profit graduel de l’estime de soi et de l’apprentissage de la régulation émotionnelle. Certains enfants se sentiront plus à l’aise à demeurer en exercice avec les autres, dans un second temps.
De plus, l’activité physique permet une oxygénation du cerveau favorisant la concentration après l’effort.
L’apprentissage de la concentration, passe la lecture de texte notamment en s’arrêtant sur chaque phrase pour l’expliquer. Lui apprendre à repérer les incompréhensions et à y répondre. Les textes mythologiques s’avèrent être un excellent outil pour y parvenir à condition d’être capables de lui transmettre à l’enfant les métaphores qui convoqueront ses émotions et auxquelles il faudra répondre et apprendre à réguler.
Conclusion
Avant de conclure au diagnostic d’un TDAH, une batterie de test et d’entretiens devront être élaborés tant auprès des enfants que des parents . La prescription chimique ne devra intervenir qu’en dernier recours, elle ne peut en aucun cas faire l’objet d’un usage quelconque faute d’avoir trouvé le bon diagnostic ou la bonne thérapie. Il n’existe aucune thérapie miracle ! Ne pas tomber dans le piège de ces marchands de bonheur, aux offres alléchantes, qui se targuent de détenir la bonne méthode. Pas plus qu’il ne faille céder à la pression des enseignants pour obtenir de nos petites têtes blondes, les résultats qui s’alignent sur les représentations du professeur. L’humain est complexe et le temps doit être pris pour l’étudier et mieux l’accompagner. Le temps doit être donné à l’enfant pour qu’il puisse prendre gout à l’apprentissage et apprendre à s’y consacrer sereinement par lui-même. Tel est le principe de l’acquisition de l’autonomie, auquel chaque parent se consacre pour la faire acquérir par ses propres enfants.
[1] OMS – Novembre 2019
[2] Ministère Israélien de la santé
[3] Neurobiological basis of AHD
[4] OMS
[5] May and Gossage, 2001a
[6] Alcohol, Smoking and Drug Use among Inuit Women of Childbearing Age during Pregnancy and the Risk to Children 2011
[7] The Impact of Maternal Smoking during Pregnancy on Early Child Neurodevelopment 2011
[8] Inhaled nicotine equivalent to cigarette smoking disrupts systemic and uterine hemodynamics and induces cardiac arrhythmia in pregnant rats
[9] Systems-Level View of Cocaine Addiction: The Interconnection of the Immune and Nervous Systems
[10] Anxiety, depression and stress in pregnancy: Implications for mothers, children, research, and practice 2012
[12] Cortisol as a Biomarker of Stress in Term Human Labor: Physiological and Methodological Issues 2014
[13] The_Effects_of_Methylphenidate_Ritalin_on_the_Neurophysiology_of_the_Monkey_Caudal_Prefrontal_Cortex
[14] Child Maltreatment and Associated Parental Factors Among Children With ADHD A Comparative Study
[15] Banyard VL. Explaining links between sexual abuse and psychological distress: identifying mediating processes. Child Abuse Negl.
[16] The Impact of Maternal Smoking during Pregnancy on Early Child Neurodevelopment 2011
[17] Early childhood deprivation is associated with alterations in adult brain structure despite subsequent environmental enrichment
[18] English and Romanian Adoptees (ERA) Study Team, Developmental catch-up, and deficit, following adoption after severe global early privation. J. Child Psychol. Psychiatry 39, 465–476
[19] Elder & Al – Evans & Al 2010
[20] Martinussen et Major
[21] https://medlineplus.gov/druginfo/meds/a682188.html
[22]http://ansm.sante.fr/content/download/50987/657733/version/1/file/M%C3%A9thylph%C3%A9nidate++Rapport+CRPV+de+Reims+Octobre+2012.pdf
[23] https://www.cchr.org.il/ – Circulaire du 1/9/2011
[24] Etude de l’Université de Pittsburg 2011