Si la colère est bien souvent bannie dans la sphère publique, elle reste pour autant un fléau d’envergure. Elle imprègne tant la rue, que différentes sphères de la société telles que : médiatique, politique, sociale, mais également sur les routes, dans les supermarchés, dans les cours de récréation… Elle est d’autant plus volatile que l’environnement se montre instable notamment lorsque le monde traverse une phase transitionnelle.
Au delà de tout champ d’expression, elle est avant tout une parmi les émotions primaires, qui se définit comme une réaction violente psychique et physique à échelle variable. Elle se distancie de l’agressivité par le fait même qu’elle ne soit pas toujours stimulée par l’autre et ne vise pas à quereller ou attaquer l’autre sans provocation. La colère obéit à un stimulus interne ou externe. On en retrouve parfois l’empreinte comme l’un des déterminants de l’état de stress, d’anxiété mais également de pathologies telles que la dépression ou le trouble de la personnalité…
Lorsque l’individu en est submergé «..il ne s’appartient plus..Parce qu’il a cessé d’appartenir à sa raison» Cicéron les Tusculanes Livre III V. En effet, l’individu sous l’emprise de passions tristes et notamment la colère, peut parvenir à perdre la maîtrise de son raisonnement et des réactions qui en découlent, voire opter pour des décisions incongrues. La colère peut par conséquent être douloureuse et destructrice, traînant derrière elle un sillage aux lourdes conséquences.
Une question cependant demeure sur les raisons illustratives du sujet qui se laisse enfermer entre les étreintes de la colère en dépit des conséquences périlleuses et menaçantes qu’il encoure : sociales, financières, judiciaires, physiques, médicales…
La neurobiologie humaine récompenserait la colère.
Aux dires de nombreuses personnes, la colère fait du bien ! Dit ainsi, elle a valeur d’exutoire. Elle est une compulsion pour celui qui en fait l’expérience. C’est un peu comme le sujet qui a un TOC et qui ressent l’obligation injustifiable d’accomplir une action définie, comme celle d’un lavage itératif des mains, de vérifications successives de la fermeture d’une porte…
La colère prend le pas sur tous les autres freins moraux et rationnels. Elle puise son origine dans le système limbique ou le cerveau émotionnel.
Le système limbique est un ensemble de structures impliquées dans le traitement des émotions et de la mémoire, notamment l’hippocampe, l’amygdale et l’hypothalamus. Il est situé dans le cerveau, sous les lobes temporaux et enfoui sous le cortex cérébral. A l’origine, le système limbique était appelé le rhinencéphale (cerveau de l’odorat») car on pensait qu’il était principalement impliqué dans l’odorat.
Nous savons à présent notamment grâce à la neuro-imagerie, qu’il remplit beaucoup plus de fonctions qu’on n’ait pu le croire. Ces structures sont connues pour être impliquées non seulement dans la régulation émotionnelle mais également dans la formation et le stockage des souvenirs, l’excitation sexuelle et l’apprentissage. Il est considéré comme un élément important dans la réponse du corps au stress, étant fortement connecté aux systèmes nerveux endocrinien et autonome. Ce qui signifie, qu’il est en étroite relation avec le système adaptatif de la réponse à la menace (peur : perspective d’une menace) préparant au combat ou la fuite. Ce, notamment via un neurotransmetteur qu’est l’adrénaline également connue sous le nom d’épinéphrine, est l’un des principaux neurotransmetteurs impliqués dans la réaction de combat ou de fuite. L’adrénaline est libérée de la glande surrénale et augmente la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la glycémie, entre autres. Cela aide à préparer le corps à l’activité physique, comme se battre ou fuir une menace perçue. Un autre neurotransmetteur impliqué dans la réponse de combat ou de fuite est la noradrénaline, également connue sous le nom de noradrénaline. La noradrénaline est libérée par la glande surrénale et a également des effets sur la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la glycémie.
Plusieurs autres neurotransmetteurs et systèmes physiologiques sont impliqués dans ce processus complexe (combat/fuite) mais également dans la colère en vue d’assurer la survie du corps, notamment l’amygdale, l’hypothalamus, l’axe HPA (hypothalamus, hypophyse et glande surrénale)
La colère serait assimilable à une dépendance.
La colère s’apparente à la recherche de sensation forte à partir de laquelle la perception d’un danger activerait la dopamine (1), neurotransmetteur de la récompense. Dit autrement, comme c’est le cas dans l’addiction, son expression peut devenir sa propre récompense. Ce sont en revanche, les conséquences qui peuvent s’avéraient compromettantes.
La colère renforcerait la fragilité de l’ego.
La ruée vers la colère peut être déclenchée par des sentiments sous-jacents de faiblesse ou d’insécurité. Elle devient donc un phénomène de compensation par le sentiment de puissance qu’elle renferme et exprime sur le moment. Cela permet ainsi de surmonter les vulnérabilités et tenter de les réguler.
La contrepartie est que le sujet peut se sentir honteux au yeux des autres qui quelques fois finissent en guise de punition par l’ostraciser. S’installe alors un cycle infernal, ou l’alternance de colères et de châtiments invalident le sujet qui ne sait plus comment s’y prendre pour freiner cela.
La colère comme évitement émotionnel.
Certaines personnes évoluant dans des environnements chaotiques développent une insécurité, de la colère, de la tristesse, un sentiment de vide et parfois de solitude. Pour atténuer leurs souffrances et par mécanisme adaptatif, elles pourraient recourir à de la perversion.
La ruée vers le drame et le conflit semble répandue allant jusqu’à produire une intimité destructrice pour laquelle certains optent évitant ainsi d’affronter leurs propres passions tristes: la perte, le chagrin, la crainte…
Outre les environnements familiaux pernicieux, des traumatismes sont également produits sur des soldats présents participants à des opérations militaires.
Traiter ses colères, supposent d’en prendre conscience et non de s’enfermer dans le déni, prétextant que c’est l’autre qui les suscite. Cela nécessite de la maturité et du courage pour admettre que la colère peut constituer une entrave à la fluidité des relations interpersonnelles, mais bien plus encore, elle peut engendrer un isolement social punitif. Au delà de l’autre, elle empêche d’être soi-même.
Comprendre se qu’elle dissimule est une première étape avant de mettre en place les stratégies nécessaires permettant de s’en prémunir.
(1) Society for Neuroscience’s first journal