Le processus d’imitation est crucial pour l’acquisition du langage et des comportements culturels. Des recherches(1) montrent que l’interaction sociale favorise cet apprentissage, suggérant que les circuits neuronaux dédiés aux comportements sociaux influencent également les mécanismes imitatifs. Le chant des pinsons zébrés juvéniles constitue un modèle idéal pour explorer ces interactions tuteur-élève. Nous avons ainsi étudié comment l’amygdale module la motivation sociale et la sélection du modèle de chant chez les mâles.
Soumis à deux tuteurs diffusant des motifs musicaux de durée et de fréquence distinctes, les oisillons sans lésion (non lésés) apprennent préférentiellement la chanson la plus longue, mais la moins fréquente, et se dirigent vers ce tuteur.
Après lésions excitotoxiques (2) de l’amygdale, la motivation sociale globale des élèves augmente, tandis que leur approche en réponse au chant devient moins sensible, surtout vis-à-vis du tuteur initialement préféré. Bien que les oiseaux amputés de la fonction amygdalienne conservent leur capacité à reproduire les sons entendus, la consistance de leur choix de tuteur s’effrite, témoignant d’une sélection plus aléatoire.
Enfin, le traçage neuronal révèle que l’amygdale zébrée se relie aux réseaux sociaux, sans connexion directe aux circuits dédiés au contrôle et à l’apprentissage du chant. Ces observations démontrent que l’amygdale régule spécifiquement la dimension sociale de l’imitation sans altérer la capacité de reproduction vocale.
Nous serions tentés de penser que de tels résultats pourraient indiquer une similitude dans le processus d’apprentissage chez l’humain. Toutefois, ils n’autorisent pas de conclusion directe selon laquelle l’apprentissage humain s’opèrerait exactement de la même manière que chez les pinsons zébrés. Ce, pour différentes raisons :
L’amygdale chez les oiseaux et chez les mammifères, y compris les humains, joue un rôle comparable dans le traitement des signaux sociaux et émotionnels. En cela, la modulation de la motivation sociale et de la sélection de modèles imitatifs pourrait relever d’un principe général de l’organisation cérébrale, présent chez de nombreuses espèces.
En revanche, la neuroanatomie avienne diffère en détail de celle du cerveau humain. Les réseaux de plasticité vocale chez les pinsons zébrés (le système de son) n’ont pas d’équivalent isotopique chez l’homme, dont l’apprentissage langagier implique des aires corticales tels que l’air de Broca, l’air de Wernicke et des circuits fronto-striés plus complexes.
L’imitation humaine intègre de multiples dimensions : langage articulé, gestes, expressions faciales, routines culturelles, etc. Elle fait intervenir non seulement des mécanismes instinctifs, mais aussi des processus métacognitifs, de théorie de l’esprit et d’apprentissage explicitement intentionnel.
Les circuits (neurones miroirs) du cortex prémoteur et pariétal chez l’humain parachèvent vraisemblablement le rôle de l’amygdale, en fournissant une représentation interne des actions d’autrui et en guidant la reproduction motrice.
Ce travail de recherche éclaire un principe général : l’interaction sociale module la sélection et la motivation dans l’imitation. Chez l’humain, on retrouve cet invariant : un enfant apprendra plus volontiers d’un adulte qui suscite son intérêt émotionnel et social.
On peut donc formuler l’hypothèse que, chez l’humain, l’amygdale et ses connexions cortico-limbiques interviennent pour pondérer l’attention et l’engagement envers un modèle, mais non pas que la lésion de cette structure conduirait, chez l’homme, à des effets identiques à ceux observés chez les oiseaux.
- Amygdala regulates social motivation for selective vocal imitation in zebra finches – Tomoko G. Fujii and Masashi Tanaka – JNEUROSCI.2435-24.2025
- Une lésion excitotoxique a pour but d’exploiter la toxicité de la glutamate en vue de provoquer la mort ciblée de neurones. Ce procédé, constitue un outil puissant permettant de comprendre le rôle des noyaux cérébraux aux fonctions cognitives et comportementales, tout en minimisant les dégâts collatéraux sur les fibres se situant dans l’axe.