L’individu est enclin à être dépendant, d’abord parce que dès sa vie embryonnaire il est physiologiquement configurée de façon à ce que l’ensemble de ses besoins soient anticipés et pris en compte par sa mère, sans intervention consciente. Une fois délivrée de la matrice maternelle, il n’en est pas autant affranchi, puisqu’il requiert une assistance fréquente durant les premières années de sa vie à ses revendications, ainsi il s’attache à ceux qui lui prodiguent les soins.
Progressivement, il fait connaissance avec ce monde et son fonctionnement et ses acteurs notamment ceux qui l’entourent. S’il est exhorté dans ses actions par ses figures d’attachements, il prendra graduellement de l’assurance il parviendra à atténuer d’autant sa dépendance et gagnera en autonomie. A l’inverse, il gagnera en dépendance.
Rappelons qu’acquérir une autonomie transite par deux étapes :
- la première consiste pour le tout petit à façonner son propre système de sécurité
- la seconde consiste à se sentir suffisamment sur de soi prendre son envol.
Si l’une des deux étapes est chancelante, l’autonomie en sera écornée.
L’hyper-protection autant que la carence affective engendrent toutes deux une perte d’autonomie et donc une dépendance de l’enfant se prolongeant jusqu’à l’âge adulte. Néanmoins, les cas de dépendances s’observent majoritairement auprès d’enfants surprotégés, dont les parents se montrent intrusifs jusqu’au point de coloniser l’univers psychique de leur enfant.
S’immisçant dans son quotidien tant d’un point de vue de ses activités que de son espace intime, le parent intrusif souvent despotique en même temps, trouve systématiquement à redire vis à vis de ce que l’enfant fait, il entrave sa liberté d’action et engendre chez lui au nom de l’amour et de l’attention qu’il prétend lui prodiguer, un étouffement, une entrave à sa créativité, une incapacité de jugement et d’action. L’enfant perd ses capacités à agir librement au point de ne concevoir aucune initiative sans l’aval de ses parents, il est l’image d’un objet télécommandé. De plus, il se sent incompris, non reconnu, et/ou indigne d’être aimé. L’estime de soi devient chancelante.
Une fois adulte, son identité en sera écornée, nombreuses seront ses difficultés à s’auto-définir, à se cerner, à savoir ce qu’il veut et ce qui bon pour lui. Il demeurera aliéné au regard de ceux qu’il estime compter pour lui, autrement dit, des proches mais plus largement toute personne appartenant à sa sphère personnelle et professionnelle. Le doute engendré par la peur de mal faire, la peur de ne pas être à la hauteur, la peur d’une réprimande éventuelle et la peur d’oser tout court, seront ses compagnons de route et inhiberont ses capacités de décisions.
Nombreuses sont les personnes dépendantes à prétendre avoir eu une enfance heureuse et qui au moment où sonne l’instant de la séparation pour voler de leurs propres ailes, développent une anxiété sous-tendue par la perspective d’une solitude et d’un vide.
Les addictions de toutes sortes, incarnent pour elles la voie royale d’accès au réconfort permettant de combler leurs insuffisances affectives.
La désinvolture parentale et/ou la carence affective configurent la dépendance de l’enfant. Des parents engloutis dans leurs propres conflits irrésolus, transfèrent sur leur enfant leurs inquiétudes, leurs croyances inhibantes, leurs représentations négatives de la vie. L’enfant devient leur exutoire et de façon générale, il incarne la scène sur laquelle se jouera l’ensemble de leurs conflits. De fait, il en découlera une anxiété grandissante de sa part ne trouvant que la dépendance vis à vis de ces parents ou d’autres adultes pour se mettre en sécurité adoptant de la sorte une posture de soumission à l’autre.
Ainsi, par manque d’aisance en société il tissera un lien social avec difficulté et n’y parviendra pas toujours. Il deviendra une victime et subira des humiliations. Son identité sera façonnée par le regard extérieur et n’osera en découdre pour affirmer sa différence, de peur de subir le rejet.
Les personnalités dépendantes se sentent dépossédées d’elles-mêmes, leurs désirs sont muselés et évitent d’attirer l’attention de peur d’être en rupture avec le groupe social. Elles se fondent dans le regard de restent passives et se perçoivent comme inexistante aux yeux des autres.
Une fois engagée dans une relation de couple, elles adoptent une attitude d’annulation de soi, d’où en découlera un parcours chaotique, ce, par le simple fait de systématiquement désirer s’aligner sur les désirs et la personnalité de son partenaire, redoutant tout risque de rejet et d’abandon.
L’autre en tant que partenaire de vie, revêt la fonction essentielle de panser les béances affectives et narcissiques de la personne dépendante. Il est celui qui va valider et confirmer son existence, sans lui c’est tout un repère qui s’écroule et la personne se sent anéantie.
Etre capable de se retrouver avec soi-même en pénétrant son propre jardin secret, est fondamental voir indispensable pour apprendre à être avec les autres. Or la dépendance affective, entrave toute nécessité d’une intimité avec soi-même. »A quoi bon, si ça n’est pas pour celui ou celle que j’aime ? » se dira la personnalité dépendante.
Certaines personnes se montrent incapables de se préserver dans leur être par le biais de simples gestes du quotidien comme le fait se préoccuper de son hygiène corporelle, de s’alimenter… Elles demeurent en état de survie et sabre toute possibilité d’avancer dans leur vie tant qu’elles n’ont pas à qui se montrer à quelqu’un qui leur paraisse digne d’être aimé.
Or, abdiquer à satisfaire ses nécessités propres, c’est réduire au silence ses émotions, c’est renoncer d’être soi et à soi, c’est nier une individualité qui fait de chacun un être singulier.
Faire taire un affect, c’est ériger un mur intérieur contre le retentissement d’une souffrance que le sujet en dépendance affective ne parvient pas à atténuer, et à raisonner.
Il convient pour le sujet souffrant, de trouver les bons mots et ajuster les attitudes pour sortir de cette soumission, qui le rend non seulement esclave d’autrui mais également de ses propres souffrances.