Tishri, dont l’étymologie émane du babylonien (tarit), signifie début. Premier et septième mois de l’année hébraïque comme le mentionnent consécutivement la bible et le talmud. Il est en effet un nouvel an des années et des jubiles mais également, le septième mois de l’année par rapport au mois de Nissan, celui de la sortie d’Egypte. L’un est en automne tandis que l’autre se situe au printemps. La particularité de ce mois, n’étant pas de façon banale de faire partie du calendrier, mais celle de renfermer de nombreux concepts humains.
Ce début d’automne, dit aussi jour du souvenir, s’amorce sous un signe fort : le jugement de l’humanité par dieu. On aurait pu s’attendre à ce qu’un nouvel an, soit célèbre avec champagne et cotillons, carnaval, soirée dansante il n’en est rien. En ce début d’année, se cofondent émotions, sentiments les plus ambivalents. Le changement dans le sens de la nouveauté, avec tout ce qu’il renferme de jouissif, est mixe à une dose de retenue, d’humilité, de crainte, d’angoisse. C’est donc le jour du bilan, mais aussi des grandes décisions, oa¹ l’homme a rendez-vous avec dieu et par voie de conséquence avec lui-même.
La joie est mise en réserve jusqu’à un temps ultérieur et en l’occurrence « Simha torah », le dernier jour des célébrations de tishri. Le début s’étendant depuis le nouvel an jusqu’à la fin de Yom kippour, constitue la période au cours de laquelle, l’épée de Damoclès est brandie au-dessus de sa tête, dans une sémantique plus en conformité avec le judaïsme, nous dirons que les livres de la vie et de la mort, sont ouverts, et que les noms des vivants sont supposés y remplir les pages.
D’oa¹ l’aspect redoutable de cette période. Être inscrit dans le livre de la vie, c’est aussi avoir la chance supplémentaire de se délecter des joies, des souffrances et des méandres de l’existence, tout en étant en osmose avec ce que la loi exige. C’est aussi l’exercice de la liberté dans le cadre défini de la loi, la motivation qui suscite l’envie d’en faire encore et encore. Versus le livre de la mort, qui n’est pas seulement la mort physique, mais ce peut être également le vécu d’un enfer sur terre, de par les difficultés, la démotivation, le renoncement de soi face aux épreuves, l’action orientée vers l’autodestruction.
Une année qui pour le croyant, s’amorce sous le signe de l’incertitude et de l’angoisse du qu’en adviendra-t-Ila ? Qui peut donc plaider sa propre cause, si ce n’est l’homme lui-même ? Et pour cela, il devra répondre à la questionna : ou es-tua ? (Aya*). (Ou en es-tu) a ? L’heure est à la remise en cause. Qu’ai-je fait de mon temps ? Comment l’ai-je occupé ? Ou suis-je parvenu ? J’observe à cet instant, que je suis ce que j’ai fait de mon temps. C’est, donc d’abord l’être face à lui-même, face à ce qu’il a prémédite, ce qu’il a pensé, ce qu’il a dit, ce qu’il a fait. Il est à cet instant dans la conception du judaïsme, présume coupable, partant du principe que l’homme est nécessairement responsable et coupable face aux erreurs qu’il a commise. C’est la culpabilité du fils face au père. C’est la culpabilité de l’enfant qui réside en soi.
La complexité de cette démarche consiste à entreprendre une repentance, comme le préconise les sages. Ce, dans un esprit de culpabilité, tout en occultant sa conscience morale, pour ne se concentrer que sur l’ici et maintenant, c’est-à -dire les résolutions à entreprendre dans le présent et faire le deuil de sa culpabilité c’est un peu comme si nous agir avec deux comportements antinomiques. Passer de l’état détresse primitive de l’enfant que nous sommes, a la nostalgie du père consolateur et protecteur. Il s’agit à ce moment-là, de voir dieu comme le père envers lequel le fils va confesser sa culpabilité, car il est obsédé par la faute. Mais en même temps, il doit voir le père (dieu) comme l’être qui pardonne, parce qu’il comprend, et porte en lui les qualités intrinsèques de la miséricorde. A la lumière de cela, nous en déduisons, qu’il s’agit pour l’enfant qui habite en nous, d’émerger, de rehausser son niveau de conscience, et de devenir adulte. L’adulte, c’est aussi celui qui a conscience de ce qu’il est, et qui continue sa route pour devenir encore meilleur. Il se porte lui-même candidat pour figurer dans le livre de la vie. Il devient celui qui assume son tout, [son corps et son amé], c’est-à -dire l’union des deux, à défaut de l’un d’entre eux, il n’y a plus de vie. Dans cette condition mentale, il réussit à trouver en lui l’Energie nécessaire pour demander pardon.
Arrive le Yom kippour (jour du grand pardon), il est demande d’être digne. L’être adulte en dépit de ses faiblesses et avec ses forces, demande pardon, mais parvient d’abord à pardonner. Il n’y a plus de place pour une démarche puérile et égoïste pour ne faire que revendiquer l’indulgence du père (dieu) pour soi (Karagem av hall banni, comme un père pardonne à ses enfants). Le temps est venu d’incarner ce double ra ´lea : père et adulte. C’est à l’aide de notre comportement d’adulte, que nous comprenons que l’autorité du père qui est en nous, peut être rangée, transformée, car nous sommes capables des mêmes erreurs.
Demander pardon, nécessite le préalable de pardonner a soi. Savoir se pardonner relever d’une bonne estime de soi, c’est se reconnaitre le droit, le mérite, et le devoir d’exister, c’est se légitimer la fonction d’apporter sa pierre à l’édifice du monde. Vient ensuite l’étape de pardonner a l’autre. L’autre est celui qui nous renvoie notre propre image. Enfin, l’étape ultime qui consiste à se sentir digne de demander pardon à dieu, figure suprême de l’autorité.
Le repentir ou tchouva, engage à cela. Elle va au-delà du simple port de la kippa. Elle porte le soir au centre du débat. Elle ne constitue en rien, une garantie contre le risque de récidive, et ou le glissement, pour ceux qui seraient tentés de voir en elle la formule magique. Elle est au contraire le début d’un processus qui s’achevé avec la fin de son existence.
Certes la conscience morale, mais il y a également l’échelle de valeur, les émotions, les sentiments, la motivation. Ceux-ci se fondent en un pour donner naissance à l’intention. Comment agir en conformité avec une conscience morale, lorsque son échelle de valeur est méconnue, lorsque l’intention est refoulée ? Refouler, c’est cacher le désir pour qu’il ne soit plus apparent, car ce désir est condamné. Entreprendre un processus de tchouvache, lorsque sa propre échelle de valeur se situe à l’oppose de l’esprit qui s’y renferme, c’est agir sans connaitre et garantir sa propre récidive, c’est passe à ça ‘te de l’écoute des besoins et des motivations qui sont les na ‘très et de ce qui est important pour notre épanouissement.
Scruter ses actions pour s’inscrire dans un processus d’amélioration, c’est tout à l’honneur de celui qui l’entreprend. Tenter de comprendre ce qui les a motivés, c’est non seulement mieux mais vital pour l’équilibre psychologique de chacun.
La responsabilité qu’exerce chacun dans ce processus, est immense. Autant, il est facile de se mettre à prier trois fois par jour, se mettre une kippa, ou une perruque. Il est autrement plus compliqué de s’interroger sincèrement sur les besoins auxquels ses initiatives répondent.
A en croire la bible, craindre dieu est une assurance contre la malédiction. Adhérer à cette croyance sans le préalable d’une lecture analytique, c’est le début d’une vie parsemée d’angoisse de toute sorte, poussée jusqu’à l’état morbide. Et dans ce cas, une psychothérapie serait bien plus appropriée, avant un pseudo processus de repentir. La crainte de dieu, porte en elle le sens d’un rapport de soumission par rapport à l’autorité. De même que nous ne craignons pas qu’un roi, ou un président, ne s’en prenne à nous, par son bon grès, en revanche, nous éprouvons un respect vis-à -vis de la fonction. De même la crainte de dieu, ne doit pas inspirer la peur de se voir faire l’objet de ce qui peut être vu comme une injustice pour l’homme, mais un respect vis-à -vis de l’être suprême.
S’imaginer qu’un processus de tchouvache, est un rempart contre les foudres du ciel, c’est vivre la peur au ventre, qui peut alors résister à une telle psychose ?
Ce rendez-vous d’automne, est le temps des résolutions. Prendre des résolutions, c’est avoir compris et définit ce qui est important pour soi. Ce qui est important pour soi donne du sens à son existence et procure une motivation pour agir.
Avant de jeter ses pèches à la mer, demandons-nous un instant qu’est ce qui a motivé qu’on les réalise, peut être aussi avec tant de plaisir, de volupté… Le Yetter Arrah (mauvais penchant), a bon dos, comme s’il s’agissait de quelqu’un qui nous a convaincu de les faire. C’est une façon de se défaire de sa responsabilité. Parler de Yetser Arrah, c’est parler de ses pulsions, de ses désirs€¦ ils ne sont pas toujours mauvais, et même si ils l’étaient en parti contraires à notre conscience morale, ils nécessiteraient qu’on les analyse qu’on les comprenne, pour mieux les canaliser, si cela s’avérait nécessaire. Comme le dit le talmud, en l’absence de yetser harah, les poules n’auraient pu pondre. En d’autres termes, faire le bilan n’est pas de fustiger mais au contraire comprendre ce qui légitime une action, prendre des résolutions n’est pas refouler nos désirs pour que des angoisses naissent, mais accompagner notre changement avec tout l’amour et l’attention que l’on porte à soi. Il n’est pas la une question d’égoïsme, mais s’aimer pour faire mieux, pour être davantage en congruence avec soi, c’est une rencontre avec soi-même, pour ensuite mieux accueillir l’autre.
N’est-ce pas là une excellente façon de démarrer l’année et de s’inscrire dans le livre de la vie ?