« Sois sage, ô ma douleur, et tiens toi plus tranquille ! disait Charles Baudelaire. Douleur psychique et souffrance physique frappent sans prévenir et tourmentent jusqu’aux plus grands…
Au cours des dernières années l’influence de l’anxiété sur la perception de la douleur a été abondamment étudiée et il est aujourd’hui admis que l’anxiété est un des facteurs psychologiques contribuant le plus à l’expérience douloureuse. La douleur peut-être un symptôme d’anxiété (Ey, 1978 ; DSM IV, 1995)..
Rappelons que l’anxiété est un syndrome clinique défini par une inquiétude majorée le soir, une crainte, une peur, parfois flottante, sans objet, parfois focalisée sur une situation, un objet, associée à un sentiment d’infériorité, d’irritabilité, des troubles de la concentration, des signes somatiques notamment digestifs et une insomnie d’endormissement (Ey, 1978 ; DSM IV, 1995).
La crise d’angoisse, s’exprime par la peur de mourir ou de devenir fou et par des manifestations somatiques qui motivent consultations ou hospitalisations. Marquée par des troubles cardio-respiratoires y figurent des paresthésies et des douleurs diverses déjà décrites par Freud en 1894
Henri Ey cite hyperesthésies et paresthésies, céphalées et “crises douloureuses pseudo-rhumatismales (Freud, 1894). Les critères diagnostiques de l’attaque de panique incluent des douleurs ou gènes thoraciques ou paresthésies (sensations d’engourdissement ou de picotements). Les sujets les plus anxieux et les plus attentifs à leurs sensations corporelles rapporteraient plus de douleurs (Ahles,1987).
Cette association entre anxiété et douleur est corroborée par de nombreuses études psychophysiques montrent qu’un niveau élevé d’anxiété augmente la perception et diminue le seuil de tolérance à la douleur. Certaines études appuient l’existence d’un lien entre les troubles anxieux et la douleur en montrant par exemple que la prévalence des troubles anxieux est plus élevée chez les gens souffrant de douleurs chroniques que dans la population générale. Il apparaît même que cette relation soit plus forte pour les troubles anxieux généralisés que pour les autres types de troubles anxieux. Les études transversales corrélationnelles apportent certes des informations intéressantes sur le lien unissant différents facteurs de risques mais ne permettent pas de déterminer quelle est la nature ou la direction de la relation unissant ceux-ci.
Ainsi il demeure difficile de déterminer si le trouble anxieux prédispose à la douleur ou si c’est la douleur qui prédispose au trouble anxieux. Bien que l’influence soit probablement bidirectionnelle il semble que ce soit ici davantage la première hypothèse qu’il faille retenir. Par exemple une étude rétrospective de Knaster a permis de montrer que plus de 75 % des individus diagnostiqués de trouble anxieux ont vu précéder l’apparition de douleurs.
De façon similaire Shaw et Al ont observé que les hommes consultant pour un premier épisode de lombalgie avaient 2,45 fois plus de risque de voir leur douleur se chroniciser si ces derniers avez reçu un diagnostic de trouble anxieux généralisé par le passé. Notons enfin que cette relation entre trouble anxieux et douleur n’est pas sans conséquence. Selon un sondage réalisé auprès de psychiatre pratiquant dans différents coins du monde la douleur serait un des symptômes les plus difficiles à traiter chez les personnes ayant reçu un diagnostic de trouble anxieux généralisé.
La prévalence[1] des troubles de l’humeur chez les douloureux chroniques :
2- 17 % trouble dépressif
7 – 28 % trouble anxieux
Si l’étude du rapport entre trouble anxieux et douleurs ne réussit pas à apporter de réponse satisfaisante, comment expliquer la plus grande prévalence de douleur chez les personnes souffrant de troubles anxieux ? Si les personnes souffrant d’un trouble anxieux rapportent le plus souvent de la douleur, c’est parce qu’elles ont tendance à avoir un comportement plus centré sur la douleur, c’est-à -dire la crainte de souffrir. Cette attitude ferait en sorte que les personnes anxieuses soient plus enclines à développer une douleur chronique. En d’autres termes, la différence réside beaucoup plus au niveau des processus psychologiques qu’au niveau des seuils d’activation des nocicepteurs.