L’effet de groupe notamment lors de réunions festives, ou attristantes telles que les cérémonies de deuil mais également à tonalité neutre, génèrent une stimulation ayant valeur d’enthousiasme. En toute hypothèse,il semblerait que le cerveau se soit structuré au fil du temps à partir d’une interaction sociale. L’appartenance à un groupe contribuerait à l’amélioration du bien être et de la joie de vivre,(1) avec des variantes selon les cultures.
Il existe un consensus général parmi les chercheurs de différentes disciplines notamment en matière de psychologie, de sociologie et d’anthropologie, selon lequel l’appartenance de l’individu à des communautés, lui est d’une importance vitale pour l’entretien d’un bien-être (1a).
L’humain issu d’un groupe social : la tribu, la famille ou la communauté, transite sa vie durant, d’une sphère à l’autre à laquelle il appartient : professionnelle, sportive, religieuse…. C’est pourquoi, nous pouvons considérer que l’appartenance au groupe, relève de la condition humaine certes pour évoluer, mais surtout pour le maintient d’un certain équilibre psychique. L’effet de groupe reste roboratif pour l’individu. A contrario, l’éloignement ou le retrait du groupe social cultive avec le temps des effets délétères sur la santé mentale et physique de l’individu.(1a)
L’isolement dans notre société est devenu endémique. C’est aussi ce qui explique cet engouement vers les réseaux sociaux. Toutefois, on peut être connecté et se sentir seul. Il s’avère que le phénomène est le plus couramment observé de nos jours. Dans la mesure où le cerveau humain a été structuré par une interaction sociale et sociétale, une carence en la matière, l’affecterait généreusement. Et pour cause, l’isolement social est corrélé à des altérations structurelles du cortex, notamment une diminution du volume de la matière grise dans les régions frontales et temporales du cortex ainsi qu’un rapetissement du volume hippocampique (2). Il a également été observé, un abaissement des fonctions cognitives. Enfin, un facteur risque de démence multiplié par 26 indépendamment d’autres facteurs invalidants, notamment la solitude et la dépression.(2)
En matière d’affectation des cognitions, auprès des personnes isolés, nous avons pu relever un certains nombres d’expériences qui corroboraient le lien entre l’interaction sociale et les cognitions.
Expérience chez le singe
Des chercheurs ont cartographié à partir d’imagerie par résonnance magnétique (IRM), les régions cérébrales de singes macaques au cours d’une interaction sociale. Ils se sont aperçus que deux régions cérébrales étaient activées lorsque les singes observaient des objets ou des animaux en interaction : la partie postérieure de la zone intrapariétale antérieure et la zone prémotrice (3). L’activité de ces dites régions, chevauchait le système des neurones miroirs. Ceux-ci constituent un circuit, agissant de la même façon que ceux qui élaborent une action C’est comme si le macaque observateur, lui-même l’exécutait, alors qu’il n’en était rien. Ces résultats confirment le rôle des neurones miroirs agissant au-delà de la compréhension des interactions sociales. Les zones impliquées sont le cortex préfrontal et temporal, les neurones miroirs et les systèmes sous-corticaux connus pour être impliqués dans la récompense et le traitement émotionnel.
Qu’en est il chez l’humain ?
De façon quasi semblable au macaque, il a été montré que les régions du cerveau impliquées de manière constante dans diverses interactions sociales sont fortement liées aux réseaux responsables des cognitions, y compris le mode par défaut (qui reste cependant actif malgré l’absence de concentration sur le monde environnant), le réseau de saillance (il s’agit du réseau qui permet au cerveau, sans cesse sollicité par des stimulis en provenance du milieu intérieur ou extérieur, de sélectionner les plus pertinents en vue de réaliser une action), le réseau sous-cortical (impliqué dans la mémoire, l’émotion et la motivation) et le réseau exécutif central (permettant une régulation émotionnelle).
Par ailleurs, les données obtenues à partir de la neuroimagerie, sur une panel d’environ 32 000 personnes, a permis de mettre en évidence que l’individu socialement isolé était cognitivement diminué (par rapport aux personnes entourées entretenant des interactions sociales), à savoir en termes de mémoire, de temps de réaction, mais également un volume de matière grise réduit par rapport à la norme. Il s’agit de la région temporale (responsable du traitement des sons et favorisant l’encodage de la mémoire), le lobe frontal (impliqué dans l’attention, la planification et les tâches cognitives complexes) et l’hippocampe (impliqué dans l’apprentissage et la mémorisation, généralement précocement perturbé dans la maladie d’Alzheimer).(4)
Effets subjacents
L’isolement social continue de susciter l’intérêt des neurosciences dans la mesure où il s’agit d’approfondir la découverte et la connaissance des différents impacts sur le cerveau. Force est de constater que, les personnes isolées, souffrent fréquemment de stress chroniques. N’ayant pas avec qui s’entretenir, le moindre événement, l’interrogation la plus insignifiante, revêt rapidement une allure disproportionnée :’’ je dois sortir, je ne sais pas si je dois porter une veste légère ou un pull ? Et si je me mettais à avoir chaud? Et si je me mettais à avoir froid ? Comment ferai-je ? … ‘’Je vais finir par pas sortir j’ai trop peur’’. ..‘’je dois téléphoner à ma fille, je ne l’ai pas encore eu aujourd’hui et si elle ne me répondait pas ?
Ces questionnements triviales voire puérils et incessants torturent les personnes isolées et les plongent dans des états de stress impactant leur santé psychologique et physique. Elle requiert une assurance constante à commencer par les interrogations les plus insignifiantes du quotidien. Un trois fois rien, qui génère une stress qui peine à s’apaiser.
L’absence d’interaction sociale, fait que certaines localisations du cerveaux seront peu, voire pas du tout stimulées. Notamment une perte progressive du vocabulaire fera que le sujet usera d’un nombre de plus en plus restreint de mots, une capacité attentionnelle déclinante, un processus de mémorisation de plus en plus défaillant. Ce retrait social, constitue la pente glissante conduisant à une sénescence cellulaire et au final un abêtissement.
Gérer la solitude
Maintenir des centres d’intérêts, entretenir son réservoir cognitif (capacité de réflexion entretenu le long de l’existence), revient à préserver son intellect de la corrosion de l’isolement et du temps.
L’apprentissage permanent de nouvelles matières, ralentit non seulement la sénescence mais accroît son réservoir cognitif. Il peut protéger contre un certain nombre de troubles mentaux, notamment des formes de démence, de schizophrénie et de dépression (5).
Gérer la solitude n’est plus l’apanage des personnes âgées, cela concerne différentes tranches d’âges dont beaucoup appartiennent à des classes moyennes ou défavorisées.
Lorsque les personnes ne sont pas en mesure d’interagir via un réseau social physique, la technologie peut fournir un substitut non des moindres (6), pour s’entretenir et échanger avec d’autres. Il est probable que certaines personnes âgées ne se sentent pas suffisamment à l’aise pour user des réseaux sociaux. Il existe pour cela des formations, qui en peu de temps, rendent les personnes opérationnelles.
Il n’est pas nécessaire de cumuler les amitiés pour pouvoir échanger, un petit nombre d’amis suffit pour rompre ou en tout cas diminuer les instants de solitude.
L’humain est un animal social qui se nourrit de la présence de l’autre tout en y trouvant un certain plaisir. Mais au delà de cela, nous découvrons de plus en plus, la nécessité d’une proximité et d’un échange avec l’altérité, en faveur de santé mentale.
- https://link.springer.com/article/10.1007/s10902-016-9735-z
1.a The Relationship Between Group Identification and Satisfaction with Life in a Cross-Cultural Community Sample
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35676089/
- New-brain-network-identified-social-interactions
- https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763421001421?via%3Dihub
- Cognitive-reserve-in neuropsychiatry/598FF651F7B6F1A3E6BCEF0425A36891
- Having more virtual interaction partners during COVID-19 physical distancing measures may benefit mental health