Jane vient de célébrer ses 65 ans. Plus soucieuse de ses jours qui se dissipent comme une ombre, elle a cette fois désiré investir le temps présent en réunissant quelques membres de sa famille et ami-es, un soir de 15 août pour souffler ses bougies.
Une belle soirée d’été, à la voûte céleste constellée d’étoiles brillantes, dont certaines paraissaient plus proches, plus grosses, plus scintillantes, où le temps ne comptait plus, pour qui l’ignorait notamment par cette convivialité enivrante, ces échanges ponctués de rires, de légèreté mais aussi de quelques distributions d’onces de savoir.
Jane avec son énorme besoin de communiquer, s’emparait d’occasions diverses, pour partager ses péripéties. Fait somme toute anodin pour certains et moins pour elle, elle a à trois reprises, porté au bout de la langue, des termes dont l’usage lui était pourtant courant. ‘’Ma mémoire flanche parfois. Ah la vieillesse!’’ disait-elle, affichant un sourire au son d’un soupire.
Jane ne serait encore pas éligible au rang des personnes âgées. L’espérance de vie plus longue de nos jours, est aussi synonyme d’une santé en bonne santé. Mais l’accentuation lente et progressive d’une mémoire qui traîne à restituer ses contenus avec l’âge, fait qu’avec le temps le sujet cherche ses mots, le rythme de la parole qui en est couplé, décélère et il en vient à opter pour des termes qui lui viennent plus spontanément. D’où également une simplification du langage qui s’installe chez les personnes plus âgées.
Ce déclin cognitif même léger, en rapport avec l’âge, est lié pour on ne sait quelle raison à un déclin cognitif plus accentué, plus sévère et à la démence.
Démentia disait Jankelevitch, ‘’est un régime étranger à soi, à ses multiples consciences séparées par des cloisons étanches lui fabricant un double, un triple et décuple l’innocence’’.
La démence, se constitue du privatif ‘’de’’ et de ‘’mens’’ signifiant esprit, serait donc un esprit dont les facultés se délitent.
La démence est un syndrome et non une maladie. Cela signifie que les caractéristiques cliniques de la démence, qui à présent est désignée comme trouble neurocognitif majeur, peuvent résulter de diverses blessures, d’infections ou de maladies. Les symptômes de la démence comprennent des troubles de la mémoire, une capacité réduite à conserver à l’esprit plusieurs tâches simultanément et à répartir l’attention entre elles, des difficultés de compréhension ou d’expression du langage, une orientation spatiale en souffrance, des fonctions exécutives (1) altérées et une difficulté à décrypter le langage non verbal d’autrui.
Elle affecte, selon les statistiques de l’OMS (2021), plus de cinquante millions de personnes dans le monde, avec un développement annuel de dix millions de nouveaux cas. La maladie Alzheimer en serait dans 60 à 70% des cas à l’origine. La démence représente à l’heure actuelle la première cause de handicap et de dépendance chez les personnes âgées. Ces données chiffrées, sont supposées connaître un bon qui avoisinerait le double, pour les dix prochaines années.
Des projections peu reluisantes, certes ! Malgré cela, un centenaire sur trois, résisterait au déclin cognitif. Jane, comme tous les autres, auraient toutes les raisons d’espérer que les recherches favoriseraient d’une part une meilleur compréhension du vieillissement cérébral et du déclin cognitif, mais surtout de découvrir les thérapeutiques nécessaires à la stimulation, au maintient voire au développement des molécules neuroprotectrices, d’une part, et d’autre part de ralentir le processus neurodégénératif.
Nous retrouvons la présence de ces molécules dans différents types de cellules du cerveau, mais également dans le sang et dans le liquide cérébro-spinal, dans lequel baignent le cerveau et la moelle spinale. Or celles-ci prolifèrent au fur et à mesure de l’avancée en âge.
Une expérience prometteuse de par ses résultats, a été menée par Wyss-Coray, professeur émérite D.H. Chen de neurologie et de sciences neurologiques au Brain Resilience de l’université de Stanford. Wyss Coray. Il s’est penché de longues années durant, sur les processus permettant de précipiter et de ralentir l’horloge du vieillissement du cerveau. Pour cela, il a montré qu’en injectant du liquide céphalo-rachidien provenant de souris jeunes, dans la tête de souris plus âgées, ces dernières retrouvaient les mêmes capacités cognitives que les jeunes souris.
Ces expériences portées sur le rajeunissement cognitif, seraient-elles transposables à l’être humain ? La question semble couler de source, à commencer par Jane qui brûlerait d’impatience de connaître la réponse et qui serait prête à faire n’importe quoi pour résorber ce petit souci cognitif.
Ces mêmes recherches, ont permis de déceler une modification des protéines sanguines entre 20 et 90 ans. Sachant que l’âge constituerait le facteur de risque le plus important pour l’ensemble des maladies neurodégénératives. Est ce pour autant, à dire que les changements protéiniques observés, seraient responsables de la sénescence ?
Nous savons qu’une des conséquence provient de la chimie du cerveau. Et pour cause, une nouvelle expérience a été conduite, en connectant chirugicalement la circulation sanguine de deux souris : celle d’une jeune avec celle d’une âgée. Le résultat est sans appel : on observe des signes de rajeunissement chez la souris âgée lesquels sont : un développement accentué de la neurogenèse, un accroissement de l’activité neuronale et une diminution de l’inflammation cérébrale.
Par ailleurs, des souris plus âgées se sont vues injecter par intraveineuse du plasma jeune. Celles-ci ont eu un comportement semblables à des souris jeunes dans certains tests cognitifs et inversement, les jeunes souris ayant été perfusées avec du plasma de souris plus âgées, ont connu une accélération du vieillissement cérébral et un déclin des fonctions cognitives.
Alors qu’en est-il chez l’humain ?
Des essais cliniques du même genre ont été appliqués, chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et ont produit des résultats prometteurs. Bien plus, des essais cliniques en double aveugle, contrôlés par placebo, consistant en une élimination et au remplacement du plasma par un plasma riche en albumine provenant de jeunes donneurs ont entraîné des améliorations fonctionnelles significatives chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Cela implique que les échanges sanguins opérés chez la souris, sont transposables à l’être humaine, dont le plasma peut être la clé de cette fontaine de jouvence.
Que pourrait-on faire ici et maintenant avant que toutes ces expériences puissent aboutir au développement de stratégies thérapeutiques et/ou préventives voire les deux, pour que les performances de jeunesse du cerveau soient entretenues et pérennisent ?
Bien que certaines démences puissent être impossibles à prévenir, il est en revanche possible d’en retarder l’apparition. Car, pour l’heure, il n’existe pas de traitements pharmacologiques fiables permettant de résorber les troubles cognitifs et la neurodégénérescence. Il a été observé qu’une bonne hygiène de vie pourrait ralentir la destruction des cellules cérébrales, liées aux maladies cérébrovasculaires et à la maladie d’Alzheimer, conduisant à une dégénérescence neurocognitive.
Nous avons parfois tendance à omettre que des lésions cérébrales peuvent survenir à la suite de chute que ce soit lors d’un exercice sportif, ou d’une douche, ou encore d’un accident de la route.
Hormis ces accidents face auxquels nous ne pouvons que tenter la vigilance absolue, l’accent doit être mis sur l’hygiène de vie fondée sur un ensemble de mesure telles que : une alimentation saine et équilibrée, la pratique d’une activité physique régulière, des interactions sociales régulières, une pratique de la gestion du stress et un sommeil réparateur, sont autant des mesures favorisant une résistance du corps face aux agressions multiples dues aux conditions d’existence qui pour le plus grand nombre s’avèrent toxiques : guerres, précarités socio-économiques, conditions écologiques et climatiques délétères, maladies et épidémies.
Le stress est réputé, pour causer de nombreux dommages biologiques. Cela non seulement, entraîne des symptômes physiques tels que l’hypertension artérielle, des douleurs thoraciques, des problèmes digestifs et des troubles du sommeil , mais il affaiblit également le système immunitaire et contribue à l’inflammation, ce qui peut précipiter le processus de sénescence. De plus, le stress chronique est la principale source de vulnérabilités mentales.
C’est pourquoi, une bonne régulation émotionnelle, peut permettre de prévenir ses vulnérabilités mentales.
(1) Les fonctions exécutives représentent l’ensemble des mécanismes mentaux permettant de gérer nos pensées, nos actions et nos émotions. Cette gestion s’effectue en vue d’une adaptation tant à l’environnement intérieur qu’extérieur.