Accepter sans renoncer

Le principe de l’acceptation consiste à voir les choses telles qu’elles s’inscrivent dans le présent. C’est consentir, c’est-à-dire être d’accord avec la réalité telle qu’elle est ou telle qu’elle est partagée par la majorité, qu’on définira comme la norme. Accepter, c’est également s’accommoder, c’est-à-dire se réconcilier avec ce qui nous paraît être le plus injuste le plus absurde le plus insupportable le plus intolérable le plus vil.

L’acceptation est en elle-même malmenée lorsque l’individu a subi de plein fouet une forte charge émotionnelle étendue dans la durée. Cela commence par le trait du déni qui se prolonge jusqu’à la colère.  Ce parcours émotionnel constitue un préalable au processus d’acceptation lui-même étant la condition sine qua none de l’accès à la phase de guérison. Il n’est pourtant pas question de blâmer l’individu en disant cela mais simplement de conscientiser sur le fait que la phase de déni que traverse le sujet n’est qu’un rempart face à une foudroyante réalité. Nier revient à s’en prémunir d’où il en découle une résistance. Résister dans ce cas de figure revient à tenter d’observer la réalité telle qu’on aimerait qu’elle soit et non telle qu’elle est. Cette démarche produit des tensions énergivores à l’intérieur de l’individu qui sont tant psychiques que physiques.

« Ã€ force de tout voir on finit par tout supporter. À force de tout supporter on finit par tout tolérer. À force de tout tolérer, on finit par tout accepter. À force de tout accepter on finit par tout approuver ». St Augustin

L’acceptation, conjugue dans son principe de fonctionnement, la réalité avec le temps présent, c’est alors que l’idée de changement devient possible. Si la maladie en tant qu’altération de l’état physiologique du corps est vectrice d’anxiété, son acceptation qui consiste à composer avec, permet de mieux la gérer et d’en réduire l’effet inducteur de stress. C’est ce que nous observons au travers le parcours du combattant auquel se livre notamment le malade du cancer.

Cultiver l’acceptation, l’apprivoiser, la nourrir par des bouillons de mots apaisants et stimulants, permet de tracer le sillon conduisant au changement empreint de positivité.

Lorsque Saint Augustin nous dit, qu’accepter c’est finir par approuver, ponctuons la phrase par une nuance, à défaut de laquelle l’idée exprimée connoterait d’une fatalité et d’une veulerie. Accepter ne signifie pas, adopter une attitude passive et encore moins renoncer à ses propres valeurs. Cela n’est pas non plus un contentement, ni une résignation vis-à-vis de ce qui arrive. Cela n’implique pas plus qu’il faille mettre un terme à toute remise en cause et s’affranchir de ses propres habitudes sous prétextes qu’elles sont toutes destructrices. Enfin, cela ne renvoie pas une abdication ni à une capitulation face au désir de changement en soi ou à celui de changer le monde. Qu’est-ce alors ?

L’acceptation, c’est le fait d’avoir trouvé le courage et la voie de la sagesse nécessaires pour regarder les choses en face, c’est être parvenu à donner une cohérence au monde perçu pour pouvoir agir par des mécanismes adaptatifs selon qui nous sommes et ce que nous sommes au sein de l’environnement dans lequel nous évoluons.

Lorsque le réel est perçu comme inassimilable, l’individu a la sensation d’être anéanti. Son identité n’est plus en mesure de traiter l’information du monde environnant et s’y adapter, elle est par conséquent en rupture et le sujet finit par perde de sa combattivité et se résigner. ‘’Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive’’. ‘’Je suis anéanti, je n’ai plus la force de bouger’’. ‘’Je ne comprends pas, ce qu’on veut de moi’’.

Le traumatisé bouleversé par l’effraction, est mis en demeure entre la guerre et l’anéantissement. Son chemin est brisé, il avance le regard orienté en direction du passé, vis-à-vis duquel il se sent l’esclave et dont les souvenirs sont des chaines qui entravent ses mouvements. L’acceptation du réel, s’apparente pour lui à regarder le soleil en face, avec la peur de s’éblouir.

Le héros quant à lui surmonte l’épreuve comme une étape vers la lumière.[1] Mais en même temps, le héros est aussi celui qui suit un parcours initiatique à travers un ‘’Call to Adventure’’ (l’épreuve) tel que l’a défini Joseph Campbell. Un agent extérieur qui peut être n’importe qui ou n’importe quoi (y compris le hasard, une coïncidence) va créer l’événement apportant un chamboulement au quotidien du héros, initiant une prise de conscience d’un problème qu’il devra tôt ou tard résoudre. Le ‘’Call to adventure’’, ou encore l’épreuve est une rencontre avec soi dans une configuration de vie modifiée, ou chamboulée, au sein de laquelle il va falloir résoudre un problème. Le héros sera aussi celui qui verra au travers ce rendez-vous, l’opportunité de s’autoréaliser en atteignant un but. Une pièce se rajoutera au puzzle que constitue sa véritable nature. L’épreuve quelle qu’en soit son issue, modulera sa personnalité et lui procurera des prises de conscience quelque fois progressives, d’autres fois soudaines, pour ‘’devenir l’être qu’il est’’, selon la formule nietzschéenne. Bien que contradiction il y a dans l’expression du devenir ce qu’on est, Nietzsche en appelle par l’impératif, à l’affranchissement de l’individu de lui-même et au dépassement de soi, par un acte de volition. C’est ce à quoi aspire le héros au travers ce rendez-vous avec l’épreuve qui devient l’occasion par la toute-puissance de la volonté personnelle d’aller plus haut.

Comme chacun l’aura compris, le héros, c’est tout un chacun dans la vie qui est la sienne, et durant laquelle il endosse le titre toutes les fois qu’un rendez-vous avec l’épreuve se présentera à lui. Cette épreuve pourrait être volontaire ou imposée par les aléas de l’existence. Quoiqu’il en soit, il devra autant que possible tenter d’évaluer ce réel avec prégnance et détermination, le rationaliser lui permettra d’éviter que l’écueil des peurs ne se referme sur lui, il devra être créatif tout en composant avec le réel, enfin il agira avec persévérance tout en tenant compte du temps inhérent à chaque composante de l’épreuve.

 

[1] Le murmure des fantômes Boris Cyrulnik

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