1ère Partie
Quel devenir psychique pour ces enfants confrontés à la maladie mentale de l’un des parents dont principalement la mère ? Leur équilibre est-il indubitablement menacé, lorsque la parentalité contribue à toxifier l’environnement ?
C’est à partir de ce questionnement centré sur la clinique du sujet, qu’il a fait durant ces dernières l’objet d’une problématique collective mêlant le champs politique, social, juridique, dans le but de concevoir des mesures de prévention et de protection de l’enfance.
Toute pathologie s’étendant dans la durée, d’ordre somatique ou psychique, affectant un parent a des répercussions sur l’exercice de sa parentalité mais pas seulement, elle engendre à des degrés divers des répercussions psychosociales. Ce contexte pathologique aux nombreuses implications, carence la relation parent-enfant et inhibe le développement de l’enfant dans le temps. Le parent se trouve dans une difficulté accrue de répondre aux besoins de l’enfant. L’enfant devient bien souvent victime de carences, de négligence et de maltraitance psychologique et/ou physique.
Nombre de travaux ont été élaborés pour mettre en évidence les conséquences de la carence maternelle. Spitz & Wolf [1] assemblent toute une documentation sur les conséquences psychologiques néfastes, parfois irréversibles en apparence, que la carence maternelle peut avoir sur un enfant élevé en institution pendant la première année de sa vie. Chez le nourrisson totalement privé de soins maternels, on observe une détresse qui s’installe par absence de réponse de la mère et dont la dépression anaclitique devient le prolongement dans la durée. Le développement psychique et la croissance sont de fait ralentis. Bowlby [2]et Bender [3] confirmeront à leur tour, cet ensemble de points et y adjoindront qu’il est fréquent que des enfants hautement carencés en soins maternels, comme une pauvreté dans l’échange verbal, un manque d’attention et d’affection, présenteront ultérieurement des troubles caractériels profonds et généralisés, avec comportement délinquant.
Ces pratiques de soin auprès de nourrissons exposés psychiquement et physiquement à un environnement instable, voire chaotique, du fait de la pathologie d’un des parents, ont permis de cerner les risques psychiques encourus par ces nourrissons.
Face à un environnement tumultueux, cacophonique sur le champ de la relation interpersonnelle, le délire, mais aussi l’apragmatisme, la négligence, le délaissement, la relation entre le bébé et sa mère sera susceptible d’osciller entre deux pôles celui de l’excès et celui de la carence, entre celui de la fusion et celui du rejet, entre celui du rapprochement et celui de l’éloignement. L’imprévisibilité et l’inconstance auxquelles le nourrisson est confronté constituent un facteur traumatique important par le fait d’une impossibilité pour lui d’anticiper les modalités de la rencontre avec l’Autre. Ses efforts pour s’adapter à un contexte ou le lien est corrompu avec le parent difficile, l’amèneront à tisser des modalités de réponses, fondées sur l’évitement, tant sur le plan de l’interaction elle-même que sur celui d’une éventuelle symptomatologie somatique, signe de sa souffrance.
La question du parent souffrant et notamment la mère de prendre soin de l’enfant, implique un désir, fondé sur la reconnaissance de l’enfant comme sujet à défaut de quoi il est voué à demeurer son objet libidinal. L’enfant érotisé comme objet et ne trouvera d’existence qu’au travers le regard et les volontés de sa mère, la construction de son identité restera souvent à un stade primaire. La séparation avec l’enfant renverra la mère à ses propres carences archaïques qu’elle n’aura pas réussi à symboliser. Dans une telle configuration le devenir de l’enfant est voué à priori à demeurer un fantasme maternel, à moins que cette trajectoire de vie soit appelée à être corrigée par des rencontres qui pourraient transformer ce devenir chaotique en un chemin de résilience.
C’est pourquoi, une séparation entre l’enfant et le parent malade est quelque fois recommandée, d’une part, parce qu’elle réduit l’état de nuire d’un parent aliénant incapable d’empathie, instable et anxiogène, d’autre part elle offre l’opportunité à l’enfant d’advenir comme sujet.
L’enfant est le carrefour de deux trajectoires de vies singulières aux significations innumérables, s’imbriquent, s’entrelacent, se confondent, c’est aussi le point d’impact de deux mondes qui s’unissent et se confrontent conjointement. Paternité et maternité ne sont en rien un instinct, ils incarnent une potentialité qui se développe conduisant chacun des deux partenaires à devenir père ou mère. La fonction parentale ne saurait être un simple changement de logiciel mis en activation à la venue au monde de l’enfant. Elle représente pour le commun des mortels une opération psychique complexe, qui au-delà de la fonction de géniteur et d’éducateur répondant aux normes sociales, incarne la fonction de transmission dont celle de devenir un sujet. Père et mère, n’est pas une fonction innée mais acquise par désir. Lorsque ce désir est absent, l’impact sur l’enfant s’en fait sentir comme un lien qui ne parvient pas à être tissé.
Lorsque le parent est affecté par la maladie mentale, il expose l’enfant au cœur d’un environnement instable et précaire, et peut aller jusqu’à compromettre son développement psychomoteur, cognitif et émotionnel présentant des retards. De plus, il lui induirait également des difficultés psychosociales intra et interpersonnelles de toutes natures qui ne se diluent pas avec le temps mais demeurent pérennes tant qu’elles ne sont pas prises en main pour être réparées. La seconde partie de cet article traitera de la maladie mentale du parent et sa conséquence sur l’adolescent.
[1] 79. Lorenz, K. Z. (1937) The companion in the bird’s world. Auk, 54, 245
[2] 10. Barry, H. & Lindemann, E. (1960) Critical ages for maternal bereavement in psychoneuroses. Psychosom. Med., 22, 166
[3] Appell, G. & David, M. (1961) Case notes on Monique. Dans: Foss, B. M., éd., Determinants of infant behaviour, Londres, Methuen