Le parent, le pervers et le borderline

Le trouble de la personnalité limite se diagnostique généralement à l’adolescence, il revêt un impact majeur sur la poursuite du développement de l’adolescent.

Plutôt seront dépistés les corrélats et les précurseurs de ce trouble plus vite sera mise en place un plan thérapeutique visant à  en limiter les effets et à  stabiliser le sujet.

Le trouble de la personnalité limite dont l’anglicisme se dit borderline, est une affection mentale grave caractérisée par des symptômes tels que l’instabilité affective, l’impulsivité et l’automutilation. Comparé à d’autres troubles de la personnalité, le trouble de la personnalité limite se distingue par des altérations sévères de la relation interpersonnelle, un taux des plus élevés de comorbidité psychiatrique et un risque accru d’atteinte à  sa personne. La prévalence dans la population générale varie de 0,5% à 2,7% [1]. La recherche sur l’étiologie de cette affection indique qu’elle est multifactorielle et comprend des dispositions génétiques, des dysfonctionnements neuropsychologiques et des facteurs environnementaux tels que la négligence et la violence psychique et physique[2].

C’est l’attachement insécurisé qui a été identifié sur le plan empirique comme étant responsable de ce trouble de la personnalité limite. Autrement dit, il peut – être la conséquence d’un lien fragilisé,  entre l’enfant et son environnement socio-éducatif, mais ce peut être également dû à  un traumatisme, vis-à-vis duquel la niche familiale n’aurait pas su entourer l’enfant victime.

Il est difficile pour une enfant de connaitre un développement sécurisant et acquérir le plaisir de vivre, s’il ne trouve pas dans son environnement une altérité sécurisante, fortifiante, stimulante qu’on appelle maman, papa ou nounou. Les manifestations cliniques et comportementales mettent en évidence que lorsqu’un bébé est privé d’attachement son cerveau s’altère, et ne développe que peu d’aptitudes voir aucune, il a des déficits relationnels et ne parle pas. S’il ne trouve pas face à  lui une autre figure d’attachement pour l’attirer et reprendre un nouveau développement, l’enfant reste altéré, s’appauvrit psychiquement et socialement. Face à un déficit de l’attachement il lui faut donc trouver une figure de résilience pour reprendre goût à  la vie et poursuivre un nouveau développement probablement différent de celui qu’il aurait eu en présence de ces premières figures d’attachements que sont ses parents, mais un autre développement qui lui sera tout aussi bénéfique.

Certaines études [3] ont postulé pour le fait que le trouble de la personnalité limite n’est qu’une altération profonde de la capacité à mentaliser. Rappelons que la mentalisation est définie comme une capacité acquise au cours du développement de l’individu lui permettant de comprendre et d’interpréter son propre comportement comme celui des autres. Le comportement est la somme des attitudes, elles-mêmes tressées à  partir d’une conjonction de sentiments, de croyances, de désirs. D’autres études empiriques [4] ont conjecturé que le trouble de la personnalité limite soit associé à une ou plusieurs défaillances de certaines fonctions mentales précises, notamment celles qui permettent d’élaborer une réflexion. Or ces défaillances ont été nourries par un sentiment d’insécurité développé par le sujet au sein de son environnement et qui aurait pu entraver son processus de mentalisation. En d’autres termes il existe un lien étroit entre l’attachement et le développement sécure du sujet. Lorsque cet attachement et insécurisé il va corrompre la fonction réflexive, la fonction émotionnelle et la fonction sociale chez l’enfant, d’où¹ le développement de cette pathologie ultérieure.

Le lien parent enfant se fragilise à partir des croyances, des inquiétudes et des projections du parent envers l’enfant. Ce peut être la mère qui accueille son nouveau-né tout juste venu au monde en lui disant :’’mon pauvre petit tu ne sais pas ce qu’il t’attend’’. Cette déclaration dénote d’une anxiété profonde de la mère, procure une tonalité de ce que sa fonction protectrice maternelle augurera. Ou encore, le père qui en grondant son jeune garçon lui dit :’’moi je ne fais confiance à  personne, je ne crois que ce que je vois’’. Voila qui laisse entendre une blessure non cicatrisée du parent dont la foi dans le genre humain est totalement mise à mal.

La gestion de ses relations interpersonnelles ne peut qu’être ponctuée de conflits avec l’autre auquel il se sent incapable de s’adapter et de donner sa confiance. Et pour se protéger, il scande avec emphase que sa réalité est exclusivement impactée par son propre regard qu’il porte, le doute et la remise en question de soi n’ont pas leur place, seul l’avis du moi triomphe sur le reste du monde. Son narcissisme est si paroxystique que sa progéniture aura du mal à assurer son développement, au côté d’un père dont réalité et vérité sont synonymes alors que tout peut les opposer.

Or ici, ce qu’il affirme, c’est sa vérité qu’il prétend être l’unique à laquelle tous doivent adhérer.

C’est le gourou, qui est intolérant à  la différence et qui punit ceux qui s’inscriraient en rupture avec sa façon de voir. C’est le djihadiste, qui affirme que son dieu est le bon, face auquel tous doivent s’agenouiller et qu’il se donne mandat d’assassiner tous ceux qui en auraient un autre ou postuleraient pour une vérité autre. Le concept de dieu est en relation avec la culture. Assassiner l’autre ou l’excommunier sous prétexte qu’il n’a pas le même dieu, revient à rejeter sa culture et donc à vouloir gommer tout ce qui rappelle l’altérité. L’altérité souligne ce qui est autre, le pervers, le parent tyrannique, le djihadiste ou autre intégriste refusent et rejettent cet autre.

Un parent dont la foi en le genre humain a été malmenée dans le passé, sera dans l’incapacité de transmettre les habiletés nécessaires visant à entretenir avec l’autre une relation apaisée. Ainsi, son enfant insécurisé deviendra soit une victime de ses camarades, soit leur bourreau et sans doute un futur pervers, si quel que soit son cas, il ne rencontre pas la figure d’attachement qui le fera renouer avec l’existence et lui montrera que l’altérité constitue notre première source d’enrichissement.

Le sujet affecté par un trouble de la personnalité limite devra apprendre à gérer ses relations interpersonnelles et cela passe par une remédiation cognitive consistant à analyser, à comprendre et à éliminer toutes distorsions de ceux qui s’adressent à lui.

[1] Coid J, Yang M, Tyrer P, Roberts A, Ullrich S. Prevalence and correlates of personality disorder in Great Britain. Br J Psychiatry. 2006;188:423–31.

[2] Zanarini MC, Frankenburg FR. Pathways to the development of borderline personality disorder. J Personal Disord. 1997;11(1):93–104.

[3] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 5th ed. Washington DC: American Psychiatric Association; 2013.

[4] Levy KN. The implications of attachment theory and research for understanding borderline personality disorder. Dev Psychopathol. 2005;17:959–86.

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