Je dédie cet article aux personnes victimes de maltraitance parentale et tout particulièrement à Nathalie.
Comment aborder la question du respect parental, face à un parent maltraitant ? Doit-on dire oui à tout, surtout lorsque l’exigence du respect maquille une perversion ? Quelles limites fixer à la notion de respect parental, notamment lorsque l’enfant devenu adulte et que celui-ci confond aide, accompagnement avec esclavagisme en passant par l’usage d’un lexique rabaissant et maltraitant envers l’enfant ?
Honore ton père et ta mère[1], enjoint le texte biblique, en y juxtaposant un mérite : «afin que tes jours se prolongent’’. C’est d’ailleurs, le seul commandement parmi les dix qui énonce la récompense à en tirer . S’il en est ainsi, n’est-ce pas le signe d’une difficulté dans son application, qui oppose devoir moral de l’enfant à droit du parent ? Et puisque droit du parent il y a, quel est son périmètre d’application ?
L’injonction de l’honneur des parents énoncé par le texte sacré ne fixe pas le cadre de son exercice. Comme s’il se devait d’être inconditionnel, y compris au prix d’une abnégation et notamment face à une parentalité tyrannique maltraitante et manipulatrice.
Certains de ces parents, assimilent l’enfant à l’esclave, brandissant leur autorité envers leur progéniture aussi adulte soit elle, comme un droit incontestable et valable à tous les temps, cet excès d’autorité maquille une perversion qui ne dit pas son nom. Celui qui en use et abuse, n’hésite pas parfois à s’abriter derrière l’injonction biblique «tu honoreras ton père et ta mère’’. En d’autres termes, ils verbalisent à l’enfant sa faute morale, pour avoir braver le commandement divin, une façon déguisée pour le parent tyrannique de se substituer à dieu pour faire valoir triompher sa volonté sans tenir compte de l’enfant, de ses préoccupations, de ses droits€¦ .
Huit heure du matin le téléphone sonne, martine décroche, alors qu’elle déclenche l’allumage de son auto pour se rendre à son travail :’’ martine, c’est papa, j’ai des courses à faire, tu peux me conduire tout de suite au supermarché ? « réponse de martine :’’tu sais bien qu’à cette heure-ci, je pars à mon travail, je ne peux pas me permettre d’arriver en retard’’. Papa :’’ décidément on ne peut vraiment pas compter sur toi’’.
« Yvette, viens tout de suite m’aider ?’’ « j’arrive réponds Yvette’’ qui laisse tout en plan pour s’empresser d’aider sa mère _se mettre debout. La maman, considérant que sa fille n’est jamais assez rapide pour elle dit : « tu ne peux pas te dépêcher, j’aurai pu mourir, tu n’as jamais été capable de quoique ce soit, tu me décevras toujours’’.
Farid, seul temporairement avec sa fille de 35 ans, qui venait de finir de préparer le diner pour son père, s’empresse de le servir. « Ton plat est dégueulasse’ reproche le papa. « Pourquoi ?’’ répond d’une voix tremblante Yasmine. ‘‘ça manque de sel’’ et d’un coup brusque il balance l’assiette pleine par terre. « tu es incapable de faire quoique ce soit’’. Yasmine en larme et terrifiée s’accroupit d’un coup pour nettoyer le sol sur lequel gisait la nourriture renversée. « qu’est-ce que tu attends pour me nettoyer la chemise ?’’ lui crie-t-il avant de la tenir par les cheveux.
«tu épouseras Albert !’’, ordonne maman à sa fille Sylvie âgée de 40 ans. «ou as-tu vu qu’une femme de ton âge n’est pas mariée ? « non maman, il ne me plait pas et si c’est pour divorcer une seconde fois, ce n’est pas la peine’’ la maman hausse la voix :’’il est écrit honore ton père et ta mère, tu dois obéir à ce que je dis même à ton âge, parce que je suis ta mère’’ «de toute façon tu n’es pas capable de tenir un mari, regarde ce décolleté que tu portes on dirait une p€¦, tu es la honte de la famille, même ta pauvre fille, je devrais m’en occuper€¦ je ne sais plus quoi dire aux gens. De toute façon aucun homme ne veut de toi… Regarde-moi. Même à mon âge je séduis encore les hommes’’.
Ces exemples de sévices psychologiques et physiques au travers lesquels le rabaissement est monnaie courante, o๠la coprolalie est prononcée instinctivement, ces enfants devenus adultes restent la proie et l’exutoire idéals de parents diaboliques. La maltraitance dont ils sont les victimes, date de l’enfance et certains d’entre eux développent des troubles de la personnalité. Ce sont ces mêmes sujets que l’on retrouve dans des consultations psychothérapeutiques.
Ces parents pervers, manquant d’empathie, sont loin d’imaginer les conséquences de leurs conduites envers leurs enfants, d’ailleurs ils s’en dédouanent et restent centrés sur leurs désirs dont leur seule satisfaction leur importe quel qu’en soit le prix pour l’entourage.
Une maman rétorquait à son fils de 38 ans : ‘‘tant que tu ne m’écouteras pas, il t’arrivera toujours malheur et d’ailleurs regarde où¹ tu en es’’ un classique de la prophétie autoréalisatrice, qui tend à programmer l’échec depuis l’enfance et sa perpétuation dans le temps. Une mère qui fait abstraction de la personnalité de son fils, considérant la différence comme une contre vérité, qui s’en estime la détentrice exclusive et dont la contradiction éveille en elle l’espoir qu’il arrive malheur à celui de ses enfants qui en serait porteur.
Une sexagénaire bipolaire considérait qu’elle avait été maudite par ses parents parce qu’elle ne les avait pas écoutés. En poursuivant son discours, elle dénonce les jurons et les imprécations prononcés à son encontre, à coup de cris pour la dissuader d’entreprendre ce qui rompait avec leurs traditions culturelles. Elle a fini par être déstabilisée sa vie durant, faisait des séjours répétés en hôpital psychiatrique, sans compter les nombreux passages à l’acte. Car en effet, l’insécurisation conduit à une inhibition du moi à travers laquelle, l’individu n’a aucune estime de lui-même, ni de confiance en lui, ni en l’autre cumule les distorsions de la pensée et les certitudes infondées le conduisant, son rapport à l’autre est chaotique, et l’ensemble des ingrédients sont réunis pour développer un trouble de la personnalité. Alors malédiction ou parents malfaisants ?
Au regard de ces cas, qui sont en nombre infime, peut-on encore considérer qu’il convient par obligation pour ces enfants de respecter l’injonction biblique ? Les cas d’enfants incestués et/ou abusés sexuellement par des proches sont également fort nombreux quelle qu’en soit leurs traditions culturelles et religieuses de ces enfants et pour lesquels certains d’entre eux coupent non seulement les liens avec leurs géniteurs mais, se refusent même d’assister à leur enterrement.
Mais sans aller vers ces cas extrêmes, le parent tyrannique peut-il encore prétendre à des honneurs ?
Être parent ne procure pas de droits non circonscrits, c’est d’abord et avant tout, répondre à des devoirs précis dont le premier d’entre eux est de considérer que l’enfant est digne de recevoir tout l’amour, toute l’attention, tout le soin nécessaire à son développement sans en attendre de retour. Or s’il s’agit d’un devoir pour le parent, il est un droit gratuit pour l’enfant. Un droit est par essence gratuit mais la forme pléonasmique en l’occurrence utilisée, vise à rappeler que le parent ne peut à chaque fois qu’il est contredit, rappeler à son enfant qu’il lui à tout donner, tout acheter… Or bien souvent lorsque le parent use de ce langage abusif, il oublie que c’est au nom de l’amour que tout cela est fait et non prêté. Il énumère une liste de choses donnée en omettant que l’amour et l’attention sont les ingrédients premiers du tissage de la relation parent/enfant.
Le parent a donné et il ne peut rien en attendre en retour, sans quoi cela s’apparente à un prêt avec intérêt. L’enfant n’a pas été consulté avant d’être mis au monde, il revient donc aux géniteurs de conscientiser que le don de la vie n’est pas une fin en soi, mais le début d’un processus visant à octroyer le soin et l’accompagnement nécessaires pour permettre le développement de l’enfant jusqu’à l’âge adulte.
Le code moral, considère que l’enfant est redevable vis-à -vis de ses géniteurs par la voie de l’honneur et du respect, une façon de reconnaitre peut-être que la vie octroyée est un bien précieux et se passe de consentement, mais requiert en retour juste de la reconnaissance envers ceux qui l’ont donné ? Or, le parent qui ternit l’existence de son enfant, que pourrait-il lui devoir en retour, constatant que sa vie est un enfer et qu’elle n’est en rien un cadeau ?
Peut-il encore revendiquer honneur et respect ? Le texte biblique n’en touche pas un mot. Pour ces dits parents, l’honneur est synonyme d’obéissance inconditionnelle avec une abstraction totale de la personnalité de l’enfant. Certains de ces mêmes parents à l’équilibre psychologique vacillant, qui dans le déni de leur état, instrumentalise les enfants à des fins de résolution de conflits psychiques. L’enfant en fait les frais par de la maltraitance.
Le respect du père et de la mère ne peut s’exercer aveuglement juste parce qu’il correspond à une injonction morale. Les situations doivent être examinées sous toutes leurs coutures car l’honneur se mérite. Donner la vie, n’est que le début d’un long processus.
Être parent se pense en termes de devoir. Lorsqu’un parent requiert l’assistance de la bible ou d’un code moral quelconque pour assoir son droit à l’honneur, c’est qu’il l’a bien souvent outrepassé. Dès lors il ôte sa casquette de parent pour endosser celle du tyran, du monstre, ou du pervers.
Pères et mères : l’honneur n’est pas un droit mais un devoir
[1][1] Exode 20:12
Nous parents , nous devons tous revoir notre education envers nos enfants , Armand , ton article va nous permettre en permanence de réagir après un événement avec beaucoup de recul et non avec spontanéité
Super comme article et très vraie.