La crise sanitaire que nous traversons n’est pas près d’être endiguée. La perspective de son pic se distancie quotidiennement tel un horizon qui s’éloigne, au regard des chiffres en progression. Ce, jusqu’à tant que le confinement et les quelques ‘’thérapeutiques’’ qui sont à l’usage, produisent les bénéfices attendus.
S’impose à nous une donnée nouvelle, un changement de paradigme, dont les contours se dessinent journellement un peu plus. La révision de notre mode de vie, transite par des règles d’hygiènes plus imposantes, une modification de la consommation, de la gestion de notre temps et peut être des idéaux de vie. En temps de confinement, les personnes jugulent l’ennui et conjurent l’angoisse par l’excès de consommation et en particulier de nourriture. En effet, si manger permet de mieux supporter les instants pouvant se montrer interminables pour certains, les conséquences sont en revanche plus préoccupantes tant sur le plan économique, qu’hygiénique.
Le confinement est une occasion rare de se retrouver face à soi-même. C’est dirons-nous un Kairos (opportunité) permettant de découvrir davantage de choses ensemble, d’échanger, de se connaitre, de se redécouvrir autrement. Ce peut être également l’occasion de lire ce qui avait été mis de côté que ce soit sur sa table de chevet, ou dans un coin de sa mémoire, de faire de l’exercice physique et plus intellectuellement, de repenser notre réalité et sous peser nos certitudes. En d’autres termes, ces instants d’incertitude et de vulnérabilité générales modifient inexorablement l’interaction entre notre environnement et nous-mêmes, sur la relation que nous entretenons avec nos proches, comme avec les membres de la cité. C’est également un temps réservé à l’expérimentation de l’inconnu vis-à-vis duquel nos facultés d’adaptation vont être mises à l’épreuve. Ce pourrait-il que cela s’exerce avec une teinte d’optimisme permettant de constater à un instant que de cette crise incarne un Kairos, à défaut de laquelle un changement en faveur du meilleur aurait été plus timide, moins spontané.
Faisons un détour par l’histoire de l’humanité. Cinq extinctions animales d’envergure, dont l’espèce humaine, ont été menacées de disparition. L’extinction du Permien, identifiée comme la plus significative parmi elles, datée d’environ 245-252 millions d’années, a décimé 95% de la vie marine et 70% des espèces terrestres.[1] C’est grâce à la violence, au monde de l’artifice c’est-à-dire à l’invention d’outils et surtout du verbe que l’espèce humaine bien que décimée en grande partie, a pu être sauvée. L’usage du verbe, a favorisé l’élaboration progressive d’un processus culturel et technique dont les conséquences ont protégé l’humanité restante. Ce progrès, du latin ‘Progredior’ (aller en avant), a entrainé une perpétuation de l’espèce en diversifiant les cultures et les techniques.
La prise de conscience des effets du progrès et sa poursuite se sont faits graduellement, au détriment de la nature à laquelle on y a substitué la culture. Cette déconnexion centrée uniquement sur quelques bénéfices a fini par abraser le lien avec la réalité sensible. Or, tout progrès se doit de considérer le rapport bénéfice/préjudice. Certains progrès acheminent vers un délire non psychotique, tout comme nombre de médicaments qui présentent l’avantage de soigner mais au prix d’effets délétères.
Cela appelle les consciences à une révision et à une renégociation du progrès pour ne pas que le bénéfice extrait d’un côté, ne conduise l’humanité vers sa destruction de l’autre. Comme c’est le cas, pour certains projets élaborés dans le champ de l’intelligence artificielle.
L’humanité ne prend pas toujours conscience des menaces les plus substantielles et les plus vraisemblables. Et pour cause, l’invisibilité des particules de pollution ou leur imperceptibilité olfactive, fait penser que l’air est pur. Pourtant la réalité démontre que la pollution même inodore est responsable des maladies respiratoires tels que l’asthme, la bronchite, des maladies respiratoires aigües telle que la pneumonie ou encore chronique tel que le cancer du poumon ou encore les maladies cardio-vasculaires.
Il en de même pour le Covid-19, dont le virus possède une propriété d’invisibilité et d’intraçabilité à l’œil nu. Face à lui, certains se pensent inatteignables. Or la réalité détrône les certitudes non fondées et révèle une contagiosité élevée du Coronavirus, de par son adhérence à nombre de matériaux, sa cinétique et sa résistance. Dans la même logique, rappelons 40% d’américains pensent que la terre est plate. C’est ce qui a value au platiste[2] Mike Hughes de perdre la vie au bord de sa fusée FLAT EARTH, en voulant démontrer que John Glenn et Neil Armstrong, n’étaient que des acteurs payés par la Nasa.
Les évidences sont les écueils de l’esprit et la science possède par sa démarche fondée sur la remise en cause, la capacité de déconstruire les certitudes bien emballées prêtes à être ingurgitées. De part leur adhérence, elles nourrissent sans effort, les croyances. Contrairement à la science qui érotise le doute, elles, le haïssent. En effet, la croyance est une créance aveugle consistant à courber l’échine face à une représentation. La croyance exige d’être crue et s’oppose à toute expérimentation qui la remettrait en cause. La science quant à elle, oblige à la confrontation des savoirs, à la remise en cause de la connaissance et demeure à des distances du tout repos, contrairement à la croyance qui lénifie. Le désagrément disparait au profit de l’apaisement. La science marine dans un océan d’incertitudes et engendre un inconfort tandis que la croyance est sédative qui par conséquent, conjure l’angoisse.
Notre propre préservation face à cette pandémie, nous
impose un confinement quasi-général. Nous dirions presque, que le temps s’est
arrêté. Sachons l’utiliser comme un Kairos,
à partir duquel les conditions nécessaires à la remise en cause de notre
fonctionnement, sont réunies. Tentons d’en
tirer le meilleur pour que cette indisposition générale serve de passerelle à un
épanouissement individuel et collectif.
[1] Mass extinctions in the marine fossil Jack Sepkoski et David M. Raup
[2] Qui croit que la terre est plate.