L’Atarax, un anxiolytique connu qui ne doit pas tout à fait son nom au laboratoire qui le produit. Il renvoie au vocable d’ataraxie (apparue d’abord chez le philosophe grec Démocrite), c’est-à-dire l’absence de troubles, à la tranquillité de l’âme (psyché). Cette dernière, disait Épicure est troublée par l’angoisse, elle même, suscitée par la crainte des dieux et de la mort, mais aussi de l’insatisfaction issue de la frustration et la souffrance ressenties par la quête de faux plaisir.
Lucrèce poète et philosophe romain, adepte Épicure le grec, revisitera ce concept notamment au travers un long poème philosophique intitulé : De Rerum Natura (traduit par de la nature des choses). Il entend produire une éthique à partir de la physique (science). Étant donné que la nature contient et gouverne l’ensemble des choses, il suffirait de vivre en harmonie avec ses lois, pour parvenir à l’ataraxie. Or, vivre en harmonie avec la Nature, suppose de développer sa science (connaissance) (soi et l’environnement dans lequel on est en immersion), celle de ses molécules qui s’articulent, s’entrechoquent se réparent et se dissolvent dans un flux atomique. Car en effet, se connaître ne consiste pas seulement, à comprendre sa psyché, c’est aussi connaître et comprendre son fonctionnement biologique. Les corps physiques ne sont d’ailleurs pour lui qu’un processus d’agrégation et de désagrégation d’atomes à l’infini. En effet, l’espèce humaine pour ne parler que d’elle, est constituée de matières organiques (donc d’atomes de carbone, d’azote, d’oxygène..) elles mêmes organisées par le vivant. Cette lecture atomiste du monde, consiste en une déconstruction des choses pour en saisir les structures. N’est-ce pas ce que nous appliquons aux processus mentaux pour identifier les émotions et les représentations articulées à partir d’enchaînements causales ?
L’ataraxie qui en des termes plus actuels, ne serait-elle pas finalement, un bien-être issu, d’une gestion émotionnelle faisant appel au bon sens ?
Non pas celle qui entend combattre les émotions négatives, comme si elles étaient «black-listées», donc à annihiler, ainsi que que s’en fait l’étendard le développement personnel. En se faisant, le chantre du combat des émotions négatives telles que la peur la tristesse, la colère, la peur.., qui en réalité ne sont que des mécanismes protecteurs, il s’inscrit par insouciance en négateur de la négativité et nie par transitivité une part du réel. A l’instar de certaines religions, il culpabilise le sujet en mettant l’accent sur la responsabilisation : « si vous n’y arrivez pas, c’est que vous n’avez pas fait ce qu’il fallait» La méthode, qui par ses injonctions se montre, liberticide puisqu’elle demande au sujet d’appliquer des recettes à l’intérieur desquelles on veut l’enfermer. Comme leur application ne marche pas, ils seront alors rendus responsables.
On retrouve un mécanisme qui se greffe dans une formulation plus ancienne, longuement promue par les religions, notamment : « s’il vous arrive telle chose, c’est que vous avez enfreint un commandement divin, ou encore, vous n’avez pas honoré la volonté de Dieu».
Revenons à l’ataraxie, comme l’exposait Lucrèce, la science (connaissance) et la raison conduisent à une sagesse pratique, permettant de faire l’économie des tourments, non sans effort, certes! Au moyen de sa liberté, l’individu s’adaptera ainsi et de façon réfléchie aux lois naturelles, lui procurant un bien-être qui le fera tendre vers cet absence de troubles, vers cet apaisement et sans recours à l’Atarax (anxiolytique).
Une vie sans tourments, est certes incompatible avec l’esprit même de ses lois. Bien plus encore, tout progrès de civilisation aussi pourvoyeur de bien-être qu’il soit, ne peut être dépourvu de tribulations, d’écueils ou encore d’effets indésirables. L’idée même de progrès qui connote une transformation progressive vers un mieux, entraîne nécessairement de nouvelles difficultés à résoudre, dont le coût est parfois exorbitant. C’est le cas de l’espèce humaine ayant faillie disparaître, qui a du faire preuve de violence, mais aussi en inventant le monde de l’artifice, c’est à dire, l’outil, mais aussi et surtout le verbe, pour pouvoir se sauvegarder. Notre neuroplasticité aura su correctement faire son travail par ses mécanismes adaptatifs.
Sans espérer atteindre une vie sans tourments, c’est à dire l’ataraxie au sens absolu, on peut tenter de s’y rapprocher entre deux intervalles de souffrances, par une régulation émotionnelle ponctuée de sagesse et de bon sens.