Voilà une drôle d’injonction ! Oser n’est-il pas faire preuve de courage ? Ce pléonasme, invite le sujet à se risquer dans un mouvement pour le conduire dans un ailleurs qui le prolonge dans son être. Ce mouvement qu’il extirpe du confort mutilant à l’intérieur duquel il s’abrite pour le translater vers un devenir autre.
Il ne faut pas être courageux pour l’être. Dit autrement sans connaissance et vécu de la peur, il n’y a pas de courage. L’expérimentation du courage, revient à craindre d’abord, pour braver, combattre, défier, lutter ensuite.
Qu’est-ce que connaître la peur ? C’est en connaître les composés et les contours, ceux qui pourraient être dépassés et ceux qu’ il faudrait respecter, pour se sauvegarder.
Connaître la peur c’est déjouer les paniques, les terreurs superstitieuses qui sont filles de la crédulité, révélant à la lumière du jour, leur néant. L’ignorance quant à elle est impavide et téméraire.
La volonté se sert de la peur comme d’un tremplin pour prendre son envol.
Mais quelle est cette volonté ? C’est ce désir de dépasser l’infranchissable. Et en puisant dans ces fondements on y trouve une invitation à la connaissance. Connaître les limites qui pourraient être outrepassées et celles qui devraient être observées. Cette dernière va désagréger les démons et les fantasmes de l’imaginaire et le courage lui-même, est ce tourment dissipé par l’éclat d’une clairvoyance. Observer les limites ou les respecter, n’est pas signe de peur, mais un phronesis*, c’est à dire une prudence, qui est l’art consistant à trouver son propre point d’inflexion, qui n’est autre qu’une sagesse pratique.
« A l’impossible nul n’est tenu » dit le proverbe. Est à dire qu’au possible tout le monde est tenu ?
Que dit le lâche : »je peux, mais je ne veux pas ! » Pourquoi ? Parce que pouvoir n’est pas toujours possible alors que vouloir est juste une question de volonté. Il suffit de vouloir pour vouloir, car vouloir n’est pas faire, une volonté n’est pas une action elle est juste un désir. Le vouloir se circonscrit à l’idée même qu’il habite qui est celle d’aspirer à quelque chose. Pour pouvoir vouloir, il suffit encore de le vouloir et ainsi de suite. Or le lâche ne veut pas mais il le pourrait.
Dans une attitude légèrement semblable au lâche, le menteur. Que dit-il ? « je sais, mais je ne veux pas, bien que je puisse».
Lâcheté et mensonge démontrent que pouvoir et savoir partagent le même désir de ne pas vouloir. Mais bien plus encore, savoir n’est pas vouloir. Ce n’est donc pas parce que nous savons que nous voudrons et ce n’est pas parce que nous savons que nous agirons.
Le menteur par intérêt veut autre chose. Le lâche par peur de vouloir, n’ose rien faire. Car ce basculement vers l’acte le sidère.
Fort heureusement la connaissance expose sous nos yeux les visages du problème qu’il convient d’examiner. C’est là une délibération. Mais ne confondons pas délibération avec décision. Délibérer est l’action qui précède celle de décider. La connaissance façonne cette délibération, c’est juste une lumineuse passivité comme l’exprimait Jankélévitch.
La décision prise c’est l’instant du courage. Le courage est donc ce passage à l’acte. C’est cette spontanéité qui est un arrachement à soi pour devenir soi ou un autre que soi. Le courage est cet acmé qui repose sur un court instant.
En observant des patients combattre la maladie, on est appelé à se demander s’il existe un courage d’exister ?
Il n’en est pas. En revanche, il en est pour subsister car l’existence en elle-même n’est en rien laborieuse mais ce sont ces conditions ternies par des difficultés économiques, sociales et physiologiques.
À chaque acte de courage l’individu devient un peu plus qu’il n’a été. Il devient. Le courage est une invitation à affronter et non à gagner. C’est ce qui distingue le courage du performant.
Le courage, permet de se faire sujet, celui qui devient l’agent de sa propre existence, c’est à dire ne pas déléguer à autrui, ce qui peut être accompli par soi-même. Dit autrement, ne pas entrer en fusion avec l’autre, pour lui faire faire ce qui parait apeurant.
Le courage s’apprend, mais n’est pas capitalisable, car il ne produit pas de rentes. Chaque acte de courage est un commencement.
Le courage ne fait jamais l’impasse sur le sens. Il s’établit en lien avec autrui et constitue un trait d’union avec l’avenir. C’est pourquoi, il fusionne avec le devenir soi. Il entraîne l’être dans un mouvement qui le rend autre.