Les contes de fées mettent en scène un itinéraire qui conduit à la conquête de soi-même, à travers des histoires exemplaires.
Avant qu’il ne conquiert son titre, le héros est un être pusillanime, ancré dans ses habitudes et subissant parfois l’existence.
L’histoire débute souvent par un fait émouvant, une menace dirigée contre le héros, une séparation  (la mort d’un parent, le départ d’un enfant…), un handicap face à la vie, un être honni. Un cheminement s’amorce dans l’échelle du pire et se poursuit tout au long du récit, ponctué d’épreuves térébrantes parfois sur le plan physique, d’autres fois sur le plan moral et psychologique et quelques fois encore les trois en même temps. Ce peut être des humiliations, un emprisonnement, un appauvrissement, une lutte contre une bête féroce…
Toute cette conjonction d’éléments et d’évènements vont inciter notre héros à s’émanciper au moyen d’une séparation du moins temporaire avec ses habitudes, son environnement, c’est-à -dire un deuil de sa précédente existence, dont il est le préalable visant à explorer et à dialoguer avec son inconscient lui-même incarné par une symbolique étendue, usitée par les contes de fées, tels que : la grotte, la forêt, le lac, la crypte, le donjon…
Plonger au cÅ“ur de son âme, nolens volens, le héros doit affronter les écueils qui sont les siens. Le monde est une projection de nous-mêmes et prendre conscience de la nature symbolique et personnelle de la réalité nous permet de nous libérer des liens dans lesquels les prétendues vérités objectives nous emprisonnent. Chacun d’entre nous porte en lui-même l’Image de son propre monde, son « Imago mundi », et la projette dans un univers plus ou moins cohérent qui devient alors la scène où se déroule sa destinée personnelle.
Cela requiert de la témérité,   de l’habileté, de l’intelligence, de la sagesse, de la ruse et la liste est encore longue. Avant de conquérir son titre, le héros devra affronter le mal dont l’incarnation est plurielle : le géant, le dragon, l’ogre et ses pouvoirs, la reine maléfique et rusée, autant de projections de ses propres démons sur le monde auquel il est confronté, mais également vaincre. C’est une régression dans l’inconscient à partir de laquelle, le héros plonge dans son inconscient pour atteindre le monde originel des possibilités archétypiques, au sein duquel, entouré des ‘’ images de toutes créatures’’, il attend de devenir conscient.
L’histoire de Jonas (Bible) en est également une illustration. Lorsque celui-ci est englouti par la baleine, il ne se trouve pas seulement prisonnier dans le ventre du monstre, au contraire, ainsi que le raconte Pirke de Rabbi Eliezer, il vit ‘’d’énormes mystères’’.  Voici ce que rapporte le commentaire midrachique[1] : Jonas pénétra dans sa gueule (du poisson) comme un homme pénétré dans une synagogue et s’arrête. Les deux yeux du poisson étaient des lucarnes donnant de la lumière à Jonas. Rabbi Méir dit : ‘’Une perle était suspendue dans les entrailles du poisson ; elle donnait à Jonas de la lumière comme le soleil à midi, lui permettant de tout voir dans la mer et dans l’abime’’.
Les métaphores sont nombreuses dans ce commentaire, la mer symbolisant  l’inconscient, l’abime étant la partie peu accessible de cet inconscient.
L’affrontement que livre le héros, sera en vue de délivrer son âme et parvenir à une union avec le Soi. Le héros, est justement un héros, parce que dans chaque difficulté de la vie, il aperçoit la résistance contre le but interdit et qu’il la combat avec toute son aspiration qui tend vers le trésor difficilement accessible ou impossible à atteindre ; cette aspiration peut le conduire à la mort.
Dans Pinocchio, nous trouvons une superbe illustration du conflit entre
le Soi (1) et le moi(2).
Gepetto fait de Pinocchio un merveilleux pantin. Ce dernier n’obtem-père pas aux recommandations de son papa et se voit galvaniser par ses pulsions du moment. En résulte, une mise en danger répétée de Pinocchio malgré les nombreux avertissements reçus de la part de son père.
Gepetto va entreprendre de grands risques pour le retrouver.
Pinocchio incarne le moi et Geppeto, son créateur représente le Soi (l’amour patient, la sagesse, la bonté).
Le moi et le Soi vivent en conflit le moi voulant être le seul maître dans la demeure et agit au bonheur de ses pulsions.
Le Soi constituant une totalité, reste impersonnel.
Lorsque Pinocchio parvient à canaliser son moi, il grandit et c’est ainsi que l’union devient possible avec son Geppeto.
Le conte intègre dans sa composante psychologique l’harmonisation entre le moi et le Soi. Le moi est soucieux de préserver son confort et ses attaches. Il conduit une offensive contre le  Soi  en  bravant les interdits et réagit par l’expression d’émotions négatives (jalousie, colère, mélancolie…) qui incitent le héros à une transformation.
Celle-ci transite par un deuil consistant en la séparation avec un tout afin de rencontrer la princesse, ou le prince charmant.
[1] Le vocable hébraïque de midrash, désigne une herméneutique du texte biblique par allégorie.