Stimuler la motivation des enfants – 2nd Partie

Traduire le besoin en but

Le traitement cognitif du développement de soi et de la motivation, consiste à  traduire ses propres besoins en buts. [1] Il s’agit d’un aspect essentiel de la motivation.

Lisons ce qu’enseignait Epictete dans son manuel et inspirons-nous  (Chapitre LI) :

  1. Si désormais tu te montres négligent, si tu prends les choses à la légère, si tu continues à échafauder projet sur projet en reculant sans cesse le jour où¹ tu devras enfin prendre soin de ta vie, tu ne feras aucun progrès, et, sans t’en rendre compte, tu finiras par vivre et mourir comme un homme ordinaire.

2. Décide donc tout de suite de vivre en adulte résolu à progresser. Que tout ce qui te semble le meilleur te soit une loi incontournable. En présence de quelque tache pénible ou agréable, glorieuse ou honteuse, dis-toi que tu dois te lancer que les Jeux olympiques sont ouverts; que tu ne peux plus tergiverser et qu’en un seul jour une seule action peut anéantir ou
confirmer ton progrés moral.

3. C’est ainsi que se comportait Socrate qui n’écoutait, en toutes circonstances, que la règle dictée par la raison. Pour toi-même -si tu n’es pas encore Socrate – vis au moins en t’efforçant de l’imiter.

Traduire le besoin en but, revient à conscientiser ce besoin et à  le personnaliser.

Selon Marsh et O’neil (1984) le concept de soi positif serait autant associé à des succés, à l’habileté quant à l’effort. En d’autres termes, plus le sujet s’inscrit dans l’effort et parfait son habileté, plus le concept de soi positif croit. L’inverse n’est pas pour autant vrai, à savoir, l’attribution des
échecs ne serait pas associée au manque d’effort et d’habileté.

Au niveau des variables psychologiques construisant l’estime de soi, s’érige la valeur que l’enfant octroie à l’école dans la réalisation de ses buts de vie. Au-delà màªme de l’obligation sociale de scolarisation des enfants, se pose la question centrale du rà´le de l’école et celle du cout de l’investissement psychologique dans l’esprit de l’enfant. En d’autres termes, considère-t-il l’école comme l’organe transmetteur des savoirs utilisables dans le présent, dans le futur ainsi que dans sa vie de façon générale ? Incarne-t-elle le lieu de transit par excellence par lequel l’enfant tisse ses relations sociales ?

Les statistiques en la matière, montrent que la valeur scolaire est de 7,79 sur 10, quant à la valeur sociale de l’école , elle plafonne à 7,26 sur 10. L’ensemble de nos sujets considà¨rent donc que l’école est aussi importante sur le plan scolaire que sur le plan social.

‘L’engagement incarne le trait-d’union entre le sujet et ses actes ».

Les actes engagent beaucoup plus que les idées. C’est la décision
de l’acte qui dans son prolongement engendrera une réaction. Le processus d’engagement est donc un processus pré-comportemental et no post-comportemental. L’engagement correspond, dans une situation donnée, aux conditions dans lesquelles la réalisation d’un acte ne peut être imputable qu’à celui qui l’a réalisé ou encore : « l’engagement correspond aux conditions de réalisation d’un acte qui, dans une situation donnée, permettent à un attributeur (il peut s’agir d’un témoin oculaire, de l’acteur lui-m$eme, mais aussi de n’importe quelle personne qui aurait eu connaissance de ce qui s’est passé) d’opposer cet acte à l’individu qui l’a réalisé [2] ». C’est parce qu’un engagement est pris, qu’un trait-d’union s’établit entre un individu et ses actes.

Agir sur différents facteurs, favorise un engagement optimum, dont voici quelques-uns :

1/ Le contexte de liberté dans lequel l’acte est réalisé procure un engagement plus volontaire et plus pérenne qu’un contexte opprimant.

2/ Le caractère officiel d’un acte est plus engageant qu’un acte scellé dans l’anonymat

3/ Un acte dit explicite est plus engageant qu’un acte ambigu.

4/ Un acte est d’autant engageant qu’il est irrévocable

5/ L’acte réitéré lie davantage que celui qui n’est réalisé qu’une fois. En d’autres termes la répétition renforce l’engagement

6/ Un acte est d’autant plus engageant que ses conséquences sont pesantes

7/ Un acte est d’autant plus engageant qu’il est couteux (en argent, en temps, en énergie, etc.)

8/ Un acte est d’autant plus motivé qu’il ne peut être imputé à des raisons externes (par exemple : promesses de récompenses, menaces de punition) mais l’est à des raisons internes (par exemple : valeurs personnelles, traits de personnalité). En d’autres termes, les raisons externes désengagent,
contrairement aux raisons internes qui engagent.

Principe de liberté

Doter l’individu, qu’importe son âge, sa situation professionnelle ou personnelle, d’un statut de décideur libre et responsable, le rend plus enclin à se trouver une ou des raisons d’agir. L’idée étant de
réduire à son minimum les pressions ou¹ les éléments générateurs d’une anxiété. Nuançons, l’idée consiste à transmettre la juste pression tout en laissant une marge importante faisant appel au sens de la responsabilité et évitant les pressions contre-productives. Le recours au principe de liberté procure le double bénéfice d’une rationalisation des comportements (savoir-faire, savoir être) et par-delà l’appropriation des valeurs requises par le fonctionnement scolaire et social.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne réduit pas les chances de l’élève d’agir conformément à ce qu’en attend de lui l’adulte.

On observe lors d’une expérience avec des enfants non surveillés par un adulte, vis-à -vis desquels on aura pris soin de prononcer un interdit temporaire de l’usage d’un de leurs jouets favoris, assorti d’une menace, que ceux qui ont été faiblement menacés se sont montrés plus obéissants que ceux qui l’ont été plus fortement. Ce qui signifie que la profération d’une menace ne conduit pas à davantage d’obéissance, ou encore qu’une menace faible n’est pas moins efficace qu’une menace forte. En conséquence de quoi, le jouet interdit avait été délaissé par les enfants faiblement menacés. C’est un peu comme si les enfants faiblement menacés résistent mieux à l’interdit que ceux qui le sont davantage.

Aussi étonnamment que cela puisse paraître, la liberté octroyée dans certaines conditions, favorise l’obtention de comportement recherchés.

Primauté à l’action qui est celle de favoriser le statut d’acteur et non de spectateur afin d’obtenir des actes et dans un contexte de liberté ou de moindre pression.

Concept de naturalisation

Il s’agit d’établir un lien entre la nature de la personne (sa personnalité, ses idées ses gouts, ses aptitudes) et ce qu’elle a fait et qui correspond à l’attente de l’adulte. Afin de stimuler la naturalisation du trait socialement désirable, on peut encourager un élève qui s’est bien comporté dans telle ou telle circonstance et ayant réussi à résoudre un exercice difficile en mathématique :  » ça c’est bien toi » « je te reconnais bien ». Ces encouragements mettent l’accent sur le lien entre la nature de l’enfant, sa performance et son comportement.

Afin de favoriser un comportement souhaitable, on peut transiter par une étape préparatoire.
Certains enfants s’étaient vus félicités (courageux) pour avoir réussi à
consommer une soupe écÅ“urante (naturalisation). L’attribution du qualificatif courageux va préparer librement ces dits enfants, à accepter de subir une injection, bien que plusieurs jours vont séparer les deux événements. Le principe de l’acte préparatoire à la naturalisation est facultatif

On peut sans menacer l’enfant de punition lui dire : » je te connais bien, je sais que tu ne jetteras pas les papiers par terre » . En matière de performance scolaire, le concept de naturalisation s’avà¨re plus efficace que la persuasion, exemple: ‘’je sais que tu es capable de ».

En revanche, le fait que l’enfant s’entende dire :  » il ne faut pas jeter les papiers par terre… ou encore tu es partisan du moindre effort etc.. » ancre un message de naturalisation négatif, selon lequel il est malpropre et
partisan du moindre effort. Cela débouchera typiquement sur le comportement qui est dénoncé. C’est le principe de dénaturalisation qui incite à faire le contraire. A l’inverse, l’adulte doit éviter d’établir un lien entre ce que l’enfant est et ce qu’il a fait, lorsque ce qu’il a mal agi. Il s’agit
de procéder à une dénaturalisation du fait.

Lorsque le comportement d’un élà¨ve laisse à désirer, il ne faut pas que
l’élève puisse associer sa mauvaise note à sa nature :  »Ma copie est mauvaise je ne suis pas bon en math » ou encore  » les maths ne m’intéressent pas » ou encore :’l’école ne m’intéresse pas ». Le parent comme l’enseignant recadrent l’enfant en disant : » 4/20 n’est certes pas une bonne note, mais ne signifie pas que tu es mauvais en mathématique »

Il s’agit de prononcer des phrases qui visent à distendre le lien entre
la production et le producteur. Exemple : » ça m’étonne de toi » « ça ne te ressemble pas ». «  » je ne te reconnais pas »

C’est le recours au principe de dénaturalisation qui consiste à faire prendre conscience à la personne concernée, qu’il n’est pas dans sa nature d’échouer dans telle ou telle matià¨re et de façon générale dans le travail scolaire.

Les travaux sur l’engagement incitent à obtenir de l’individu
qu’il s’engage sur-le-champ et librement ( principes de liberté) et
principe de Prima sur l’action : ‘qu’est-ce que tu peux faire
pour que ta copie soit meilleur la prochaine fois? »

L’idée consiste à stimuler l’élà¨ve pour qu’il définisse
par ses propres soins l’état du travail lui permettant de se réinscrire
rapidement dans la dynamique du succà¨s. Il y a plus d’enfants
et màªme d’adultes qui renoncent que ceux qui échouent.

Il est courant d’entendre les parents traiter les enfants de fainéants, de
bons à rien ou encore de méchants parce qu’ils ont frappé ou prononcés des insultes. Ceci est dommageable pour ces enfants dans la mesure o๠les
propos des parents ont valeur de vérité. Ainsi lorsque l’enfant là¨ve la main, il faut appliquer le principe de dénaturalisation en disant : »je ne comprends pas ce que tu viens de faire en frappant »  » ce n’est pas toi »  » tu n’es pas méchant » (principe de dénaturalisation) Ensuite : » promets que tu ne recommencera plus » ( principe d’engagement).

La motivation peut être stimulée par le truchement de différents
principes, comme nous l’avons vu au cours de ses deux parties. Y consentir, suppose d’identifier et d’analyser quels éléments faillissent et entravent toute réalisation vers un but précis. On pourra recourir à des tests permettant de parvenir à une meilleure connaissance de soi et de ses buts de vie. Cela peut requérir un certain temps, mais ne s’inscrit en aucun dans le domaine de l’impossible. Au-delà de ce qu’on pourrait qualifier par la voie triviale du langage, de bien, la chose est surtout utile et obéit par conséquent aux nécessités de l’élan vital.


[1] Nuttin 1980

[2] Joule & Beauvois, 1998, p. 60

[3] Recherche Beauvois 2001

[4]Miller Brackman 1975

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