L’onanisme compulsif : une pathologie silencieuse

Historiquement, l’onanisme compulsif fait parti des troubles liés à la paraphilie, étymologiquement constitué du grec para «à côté de » et philia « amour   c’est à dire une pratique qui rompe avec la sexualité traditionnelle. Le vocable d’onanisme renvoie à un épisode biblique, dans lequel, Onan, fils de Juda (Genèse xxxviii.9), qui a préféré déverser sa semence sur le sol, plutôt que d’imprégner la femme de son frère mort et en assurer une descendance : « Onan savait que cette postérité ne serait pas la sienne; et lorsqu’il approcha la femme de son frère, il détruisait à terre (la semence), afin de ne pas donner de postérité à son frère ». Il s’agit par conséquent d’un acte d’émission vaine de la semence, selon la Bible, pouvant renvoyer à l’idée d’un acte d’auto érotisme, conduisant à une émission séminale non procréative.

La compulsion du geste se fonde sur une prurit d’autosatisfaction, entretenue par un isolement prolongé, faisant l’usage de matériels pornographiques, telles que les photos, les films, les vidéos, les conversations téléphoniques érotiques, avec une consommation de drogues et d’alcool parfois. Cela concerne les deux sexes, depuis les adolescents jusqu’aux adultes cinquantenaires. Bien qu’il soit compliqué d’élaborer un profile type, on estime toutefois que les taux d’usage sont effectivement plus élevés chez les hommes que chez les femmes.

Selon l’étude de Kinsey intitulée : Sexual Behavior in the Human Male, la quasi-totalité des garçons ont entendu parler de la masturbation avant de la pratiquer. A l’inverse des femmes qui l’expérimentent seules, sans même savoir que d’autres la pratiquent.

Malgré l’époque et sa libération des mœurs notamment en matière de sexualité, la masturbation compulsive constitue un déni d’abord, puis une honte. C’est ce qui explique la difficulté à se rapprocher d’un professionnel pour requérir son aide. Après une petite prise de conscience, se développe une honte due au ‘qu’en pensera-t-on’, qui fera que l’usager en question, consultera pour des questions d’anxiété ou de dépression, avant de révéler son addiction. Par conséquent, de très longues périodes peuvent s’écouler avant de demander de l’aide, car la perspective du regard de l’autre le fige dans son action. Il demeure longtemps terré dans un repli sur soi d’autant plus renforcé, qu’il ne subit aucune conséquence apparente.

Il arrive que, il ou elle se fasse épingler en flagrant délit d’acte masturbatoire, par le parent ou le conjoint, qui pour la plupart de ces témoins, se sentent déstabilisés par ce qu’ils observent. Ils manifesteront une sidération, une honte et/ou une colère. De nombreuses fois, l’acteur est pris pour quelqu’un de mentalement instable, qu’on invite vigoureusement à se faire soigner.

L’expérience d’Alex et de Cynthia

Les usagers de l’onanisme compulsif ont des comportements qui diffèrent les uns des autres. Certains ont une pratique quotidienne variant entre une et quinze fois par jour voire parfois davantage. Certains ont une routine journalière. Lisons les cas suivants :

Alex 38 ans, raconte : ’’J’avais un énorme déni vis à vis de ces expériences masturbatoires. Je ne m’imaginais pas qu’elles étaient compulsives. Cela faisait parti de mes rituels quotidiens, au même titre qu’une douche ou qu’un dîner. C’était devenu pour moi un acte banal et machinal. J’étais loin de m’imaginer que cela pouvait interférer dans mes tentatives de relations intimes ou au niveau de mon estime de moi-même en tant qu’homme. La chose était parfaitement réglée : chaque matin, sous la douche, je me masturbais et chaque soir devant un film pornographique, cela m’aidait à me détendre. Ça a duré près de 25 ans.’’

Alex, n’est pas venu consulter pour des problèmes d’onanisme compulsif, mais pour quelque chose qui semble à première vue plus banal mais surtout plus dicible, à savoir : tenter de réguler son hypersexualisation (préoccupation excessive par des fantasmes et des comportements sexuels, ainsi qu’une multiplication des partenaires) afin de pouvoir s’engager dans une relation sérieuse avec une seule partenaire voire fonder avec, une famille. Chose à laquelle, il s’en est jusqu’alors montré incapable.

Ce n’est qu’après que nous lui ayons posé frontalement la question, qu’il s’est mis à exposer son addiction masturbatoire, comme une préoccupation.

Cynthia 44 ans, témoigne :’’L’angoisse me prend au réveil, je suis alors incapable de sortir du lit. Il me faut la calmer pour trouver la force de me lever. Je n’y arrive qu’après m’être masturbée. Ensuite, en prenant mon café, je me mets à penser à ce que je vais faire de ma matinée. Je suis seule. Mon mari est à son boulot. Ensuite, je m’arrête de penser et tel un robot, je vais sous la douche et machinalement je me masturbe. Je recommence plusieurs fois après être sortie de la douche et avant d’aller travailler. J’aimerais que tout cela cesse. Je n’y arrive pas ! Je déteste ce que je fais, je me dégoutte. J’aimerai ne plus rien ressentir. Dés fois, je m’introduis des glaçons dans le vagin. La douleur est si intense que je suis obligée de m’interrompre… L’après midi, lorsque je suis au travail , je prends deux pauses d’environ 10 à 15 minutes pour me masturber aux toilettes. Le soir, je recommence sous la douche. Mon mari m’a un jour surpris et ça l’a excité. Mais moi, ça me dégouttait. Je ne voulais même pas qu’il me touche. J’attendais qu’il s’endorme pour recommencer avant de fermer les yeux à mon tour. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, parce que je n’éprouve pas vraiment de plaisir, mais ça me calme depuis l’âge de 10 ans,

Différemment d’Alex, Cynthia se masturbe systématiquement lorsqu’elle y pense, en plus de ses rituels du matin et du soir. Mais cette pensée l’obsède tant, qu’elle occupe une grande partie de son agenda. Comme elle l’indique, sa pratique a une vertu sédative servant à conjurer son angoisse.. Bien qu’elle ait un époux, elle se sent seule sans but. Le jour où elle se fait surprendre par son mari, il aurait fallu, qu’il tente de l’aider à comprendre son geste plutôt que de le percevoir comme une invitation à consommer.

L’usager compulsif de l’onanisme, répond à des effets internes, combinés à stimulus identifiables. Cette attitude fait que la personne passe de nombreuses heures, voire des jours enfermée seule face à son ordinateur, ou encore faisant l’usage du téléphone pour s’entretenir avec des inconnus en la compagnie desquels, il ressent une excitation. Ce, avec ou sans consommation d’alcool ou de stupéfiants.

A force de gestes répétés, cela entraîne parfois des lésions génitales. Bien que les blessures et la douleur ne constituent pas leur but premier, les lésions subies ne freineront pas pour autant les gestes. Ils persisteront quitte à se blesser davantage.

La persistance de l’acte d’autosatisfaction en dépit des blessures, dénotent d’une forme d’automutilation. Les personnes décrivent un sentiment de dissociation et de dépersonnalisation. La recherche de la douleur et de blessures par la répétition chez les hommes comme chez les femmes, mais aussi par l’invagination d’objets (chez la femme), produisent un état d’excitation paroxystique tel qu’il est immédiatement suivi d’un engourdissement en même temps que d’un bien être.

Quels symptômes caractérisent l’autoérotisme compulsif ?

La pratique d’un onanisme régulier, n’est pas immédiatement synonyme d’un problème. En revanche, la fréquence, le temps passé et la focalisation sur des représentations sexuelles caractérisent la forme compulsive. Voici les symptômes qui interrogent sur cette dépendance :

  • Le temps long de l’exercice masturbatoire
  • L’onanisme prolongé et récurrent, finit par empiéter et avoir des conséquences néfastes sur la vie personnelle ou professionnelle.
  • L’exercice masturbatoire est priorisé à toutes les autres activités
  • La masturbation en public ou dans des lieux publiques
  • Une pratique sans désir ni nécessité.
  • Une pratique pour conjurer les émotions négatives et se donner du courage
  • Un sentiment de culpabilité pendant ou après l’acte
  • L’idée est souvent présente à l’esprit
  • Incapacité de se contrôler même face à des impératifs. L’individu s’isole mentalement pour faire précéder l’acte masturbatoire au reste. Il se sent dans l’incapacité de faire autre chose que ça. Il agit par compulsion, en se disant : ’’je dois le faire’’.

Quelles pourraient être les causes ?

Il n’en existe pas une, mais une conjonction de facteurs pouvant conduire à cette addiction.

Sur le champ psychologique, l’onanisme compulsif est souvent associé aux TOC (trouble obsessionnel-compulsif), trouble bipolaire, trouble de la personnalité limite…

Sur le champ biologique, l’accès de la pornographie, à portée de clics favorise la jouissance immédiate. Le circuit de la récompense est lui aussi rapidement activé et produit la satisfaction recherchée.

Sur le plan social, une faible estime de soi, une insécurisation familiale et/ou environnementale, des difficultés à réguler ses émotions, un abus sexuel.

L’explosion de la pornographie sur Internet, a accru une pratique compulsive de l’onanisme, d’abord auprès des plus vulnérables, mais pas uniquement, le nombre de ceux qui développent cette addiction sans en avoir connu d’autres, est en hausse, mais le silence est conservé et peu d’entre eux osent se confier. 

Conséquences

La persistance de l’acte masturbatoire peut porter préjudice au partage de l’intimité surtout si des difficultés relationnelles sont préexistantes.

L’homme peut rencontrer une absence de désir en présence de sa partenaire, qui a force conduit à une diminution de l’estime de lui-même. Lorsque l’autre est attente et celui qui doit se montrer présent s’en trouve incapable, celui qui est demande en vient à temporairement douter de sa désirabilité, l’autre commence à ressentir une forme d’impuissance portant un coup à sa capacité à éprouver du désir. Cela est vrai pour les deux sexes.

Chez la femme l’usage excessif de supports pornographiques et/ou de conversations érotiques avec différents interlocuteurs engendrent fréquemment des conditionnements au moyen de stimulus visuels et/ou auditifs. Ce qui pourrait la conduire à multiplier les partenaires ou engendrer des troubles du désir et/ou de l’orgasme.

L’adolescent(e) peut y avoir recourt pour s’apaiser face à des moments de tensions ou se donner du courage à cause d’une image de soi écornée. C’est bien le piège, puisque cet assouvissement au moyen d’une décharge nerveuse, étaye davantage pour vaincre des carences imaginaires que celles qui sont rencontrées dans le réel.

Comment en parler ?

Si vous êtes aux prises d’une dépendance à l’onanisme, sachez que bon nombres de femmes et d’hommes partagent cette préoccupation.

La plupart de ceux qui viennent consulter, n’aborde le sujet qu’au travers celui de l’angoisse, ou de la dépression. Toutefois, la parole se libérant de plus en plus, on rencontre des personnes qui entrent dans le vif du sujet sans phare.

Il convient pour en parler de focaliser sur l’importance de traiter son mal être, que sur le regard de l’autre, qui en réalité n’est présent que pour aider et non pour juger.

Le parent confronté à l’addiction de son adolescent doit se montrer empathique en accueillant face à ce qui est dit et non en condamnant. Car ce dernier se sent déjà honteux et coupable. Par conséquent, il convient de ne pas aggraver ce sentiment. Puis, inviter l’adolescent (e) à consulter pour éviter que le problème ne perdure en s’aggravant.

Le parent peut aussi dans un premier temps contacter un professionnel pour l’aider à trouver la bonne formule, qui susciterait chez l’adolescent le désir de se faire traiter.

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2 réponses à L’onanisme compulsif : une pathologie silencieuse

  1. A.S. dit :

    Bonjour, l’onanisme compulsif est une addiction comme une autre, que ce soit à la drogue, à l’alcool.. L’objet auquel s’adonne de façon compulsive le sujet, traduit une souffrance, généralement, un manque, ou une angoisse, voire les deux. C’est à dire que l’acte permet un accès à  »un paradis artificiel » qui favorise l’oubli ou l’échappatoire à la souffrance. L’idée est d’abord d’identifier les souffrances et de comprendre ce qui pousse la personne à vouloir tant y échapper, puis à suggérer des comportements alternatifs et productifs.

  2. Zinedin MEDOUNI dit :

    je me masturbe tous les jours depuis de très nombreuses années bien que je sois marié et que j’aime ma femme. Je suis très attiré par les femmes matures asiatiques et il y a ce qu’il faut dans les vidéos. Je voudrais arrêter mais n’y arrive pas. Que dois je faire? Je n’ai jamais envoyé de commentaires sur ce dont je souffre.

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