L’enfant face aux contenus inappropriés

Le phénomène Tik Tok

La ludification d’internet a mis le réseau à la portée de toutes les mains. Il a été estimé que 97% des enfants des pays développés en a une utilisation régulière.

Pour l’ensemble des personnes, quel que soit l’âge, Internet renferme de nombreuses possibilités pour se socialiser, apprendre, se divertir et s’engager dans vie publique.

Mais à toute chose bonne, une contrepartie l’amoindrit : si, les aspects positifs d’Internet sont incontestables, ils comportent également des risques sur le plan sécuritaire en général, pour les personnes en particulier et surtout les enfants, puisqu’ils sont exposés au danger de la sollicitation sexuelle, du harcèlement, de l’intimidation, à des contenus illicites et à de la prédation.

L’utilisation d’internet à travers la fréquentation de sites, des réseaux sociaux, des messageries, des chats rooms, par les populations d’enfants et d’adolescents, les ont conduits vers certains mésusages de ces outils, de façon accidentelle et/ou parfois intentionnelle.

La pornographie rendue disponible sur la toile, fait de cet espace un Pornoland. Les contenus pornographiques dont l’accessibilité est hautement stimulée par certains sites, voire imposée par des affichages spontanés, lors notamment d’ouverture de cession de jeu par exemple, plonge les jeunes dans un univers inapproprié.

Pis, l’enfant muni d’un smartphone y est livré à lui-même et ne compte plus son temps. A force de visionnages répétés, les contenus sont banalisés. Rappelons que la pornographie réfère à du matériel stimulant les émotions et/ou des pensées sexuelles dont le seul but étant l’excitation sexuelle.

L’exposition des enfants à du contenu pornographique en ligne, les conduit à développer des littératies sexuelles à haute fréquence.  

Une étude canadienne de 2013, indique que 49% des sextos étaient destinés à un copain ou une copine. Selon Pew Internet, en 2009, 33 % des adolescents partageaient des fichiers sur des plateformes peer-to-peer.

A partir de cette banalisation des contenus, l’enfant vulnérabilisé, va non seulement chercher à reproduire les comportements qu’il observe, mais il y investira de longues heures au détriment de son travail scolaire, de l’accès au savoir en général ou de l’entretien de la socialisation.

Insécurisation et choc des images.

Les enfants en nombre sur la toile, craignent pour leur sécurité. Des faits divers ont mis en lumière des sollicitations d’enfants par des prédateurs.

Environ 25% des enfants ont reçu des sollicitations non désirées, pour des interactions sexuelles. [1] 30% ont subi des sollicitations sexuelles agressives.

Une étude de l’université du New Hampshire (Wolak et Finkelhor, 2006) a nuancé ce type d’inquiétudes, puisque toutes les sollicitations ne sont pas le fait d’adultes. Un grand nombre d’entre elles, émanent d’enfants et d’adolescents. Par ailleurs, si ces sollicitations sont à vocation explicitement sexuelles, elles ne sont pas nécessairement perverses.

Les intentions sont clairement et crument affichées. Certains enfants sont choqués par cela, autant que par certains contenus et en référent au parent, le plus à l’écoute.

D’autres se font surprendre en flagrant délit de consultation. Il n’est pas rare, qu’un jeune adolescent ayant pris le soin de se mettre nu, lance un appel vidéo via WhatsApp à une jeune fille pour tenter la convaincre à la rencontrer. Ou alors, qu’un ou une autre se mette en scène sur des photos, au travers des postures suggestives.

L’impact sur le cerveau de l’enfant

Le cerveau de l’enfant répond plus vite à une stimulation que celui de l’adulte, lorsqu’il s’agit de nourriture. Celui des adultes est plus sensible aux interactions avec l’environnement.

Le cerveau des adolescents se montre plus sensible aux récompenses, aux émotions et plus ouvert aux nouvelles expériences.

Ceci prouve que le niveau de dopamine pour un cerveau d’adolescent au repos, est inférieur à celui de l’adulte, mais les quantités sécrétées en cas de stimulations sont nettement supérieures.

C’est pourquoi, le niveau de dépendance que ce soit au sucre ou à la pornographie par exemple, est plus élevé chez l’adolescent. L’excitation sexuelle par la voie d’un médium technologique, tel qu’un écran ou un téléphone inhibe l’excitation sexuelle lorsqu’elle se situe dans un cadre réel face à un ou une partenaire. Le cerveau étant submergé par une quantité d’images importantes lorsque le sujet recourt à la technologie, si bien que dans le réel ou l’image se limite au partenaire, l’appétence se fait nettement moindre.

La stimulation sexuelle détrône toutes les autres stimulations en matière de dopamine. L’excitation à partir de photos ou de vidéos, maintient un haut niveau de dopamine durant un certain temps. Lorsque la dopamine se maintient de façon constante et élevée dans le temps, elle entraîne des modifications cérébrales qui engendrent une addiction et des symptômes d’hyperréactivité[2].

Et le parent ?

Dans les deux cas, le parent est atterré et se montre rarement armé pour faire à l’enfant irradié par ces contenus. Catastrophé, parce qu’il n’imagine presque jamais que sa progéniture puisse répondre à des sollicitations d’inconnus, ou partager avec des amis-es le visionnage de contenus illicites. Il est souvent persuadé d’avoir solidement ancré un certain nombre de principes éducatifs lui permettant, quoiqu’il arrive, de ne jamais répondre. Il l’imagine assez peu faire preuve de curiosité envers ce qu’il qualifie de mal.

Il est donc fréquent d’être sollicité par des parents pour des consultations psychologiques à la suite d’une confession faite par l’enfant, ou la suite d’une interception de l’enfant pris en flagrant délit de visionnage.

L’agir socialement

Le parent se montre dès lors, autant en demande que l’enfant, pour tenter de comprendre et de dépasser ce qu’ils qualifient d’évènement traumatisant.    

Des groupes de travail ont vu le jour un peu partout dans le monde, pour tenter de trouver une solution visant à limiter à son minimum l’exposition des enfants à des contenus illicites. Cela semble compliquer à mettre en œuvre. On invite souvent, les parents à installer des filtres pour éviter l’affichage de contenus adultes à partir de sites, mais cela n’épargne pour autant les enfants de s’échanger des images prises sur des réseaux sociaux comme Tik Tok.

En voulant traiter le problème, on s’aperçoit qu’il convient de l’aborder par la racine, notamment en commençant par reformer l’éducation des enfants.

Dans certains pays, il existait à un moment donné des cours d’éducation sexuelle. Or, aujourd’hui celle-ci, se fait au travers les réseaux sociaux et les sites pornographiques. Mais peut-on qualifier cela d’éducation sexuelle ? Semble-t-il que non. Car la pornographie, n’a vocation que l’excitation par la mise en scène d’interactions libidinales et l’exposition des organes sexuels.

L’école pourrait jouer un rôle non négligeable en matière d’éducation de façon générale et aborder la question de la consultation des contenus pris dans les réseaux sociaux. Faudrait-il par ailleurs, que des professeurs, soient eux-mêmes formés pour débattre de ses contenus et tenter d’éduquer.

Le dialogue avec l’enfant

Cela n’exonère pas le parent de tisser une relation de confiance avec l’enfant afin que tout sujet quel que soit sa charge émotionnelle, puisse être abordé avec sérénité et sans honte. C’est essentiel, pour éviter que le jeune ne fasse de son espace virtuel un lieu de refuge.

La sexualité ne doit pas être un tabou au sein d’une famille. Sans forcément sans circonscrire le sujet à la reproduction des fougères et autres végétaux. Il convient également de susciter le questionnement pour inciter à l’échange.

La curiosité sexuelle de l’enfant, s’éveille avec l’âge. Toutefois, elle est plus précocement stimulée du fait de l’hypersexualisation de la société par la médiation des publicités, des séries TV, des réseaux sociaux, des revues pour ados. On ne peut se balayer le sujet d’un revers d’une main, en se contentant l’aspect négatif de la chose : « Ni rire, ni pleurer, mais comprendre » Spinoza. En des termes plus actuels, ne pas moquer, ne pas mépriser, ne pas juger, mais chercher à comprendre. Chercher à percer ce qui motive la conduite, ce qui suscite l’intérêt, plutôt que de répondre par des phrases brèves et toutes faites :’’ce n’est pas bien’’ et qui stérilisent le questionnement et l’agent fécondant lui-même.

Cela requiert une disponibilité et une générosité du parent envers l’enfant, mais également un dépassement d’une certaine tristesse ou encore amertume voire les deux qui pourraient faire perdre de vue que la curiosité naturelle de l’enfant a souvent pour objet, l’apprentissage. Inciter l’enfant à s’entretenir avec le parent de sa découverte du monde serait le processus prophylactique contre l’enfermement, l’errance dans l’espace virtuel et la chute dans les filets d’un prédateur.   


[1] Journal of the American Medical Association

[2] “Insight into the teenage Brain,” Adriana Galvan

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