Santé mentale au futur

En se basant sur les tendances actuelles et les facteurs d’influence de la santé mentale,  plusieurs défis majeurs à venir guettent une grande partie de l’humanité en matière de santé mentale :

    1/ La pandémie de COVID-19 ayant entraîné un pic de la prévalence des troubles anxieux et dépressifs, pourraient persister au cours des prochaines années. 

   2/ Les changements environnementaux, tels que les catastrophes naturelles et les migrations de masse, pourraient entraîner des traumatismes psychologiques et des troubles de l’adaptation chez les populations touchées.

    3/ Les progrès technologiques, tels que l’utilisation intensive et généralisée des médias sociaux, peuvent contribuer à l’isolement social, à la cyberintimidation ainsi qu’à d’autres problèmes de santé mentale.

    4/ L’augmentation de l’espérance de vie des population notamment celle des pays occidentaux,  allant de pair avec les troubles neurodégénératifs tels que la maladie d’Alzheimer et la démence.

    5/ L’augmentation de la prévalence des troubles du spectre autistique (TSA) peut être due à une meilleure reconnaissance des symptômes et à une augmentation des diagnostics.

    6/ Les facteurs socio-économiques tels que la pauvreté, le chômage et les inégalités peuvent contribuer à la prévalence des troubles mentaux. 

Pandémies

Selon une enquête menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1) dans 130 pays, 45% des répondants ont déclaré que leur santé mentale avait été affectée par la pandémie.

    Une étude menée aux États-Unis (2) a révélé que les taux de dépression ont plus que triplé chez les adultes pendant la pandémie, passant de 8,5% à 27,8%.

Une enquête menée en France (3) a montré que 33% des répondants ont signalé des symptômes d’anxiété ou de dépression pendant le premier confinement.

    En Chine, une étude a révélé que 53% des personnes interrogées ont signalé des niveaux élevés de stress psychologique pendant la pandémie.

    Une enquête menée en Italie a montré que près de la moitié des répondants ont signalé des symptômes d’anxiété ou de dépression pendant le confinement.

Ces chiffres illustrent l’ampleur de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale, et soulignent la nécessité de prendre en compte cette dimension dans les mesures de santé publique.

Il est probable que d’autres épidémies d’aussi grande ampleur voire davantage, puissent entraîner une multiplication des troubles anxieux et de dépression accrues en raison de la peur de la maladie, de la perte de proches, de l’isolement social et des conséquences économiques.

Changements environnementaux

Ils concernent les catastrophes naturelles (ouragans, séismes, inondations, etc.) et les migrations de massives de population (par exemple en raison du changement climatique), ceux-ci pourraient impacter profondément la santé mentale des victimes. Ces événements peuvent entraîner des destructions et des pertes en tous genres : habitation, des biens, amis, parents et proches, pouvant se résumer à une instabilité et une insécurité entraînant des stress en série.

Ces expériences traumatiques pourraient être la cause de troubles de l’humeur, tels que la dépression et l’anxiété, ainsi que des syndromes de stress post-traumatique (SSPT) et d’autres troubles psychologiques. Les troubles de l’adaptation, face à un nouvel environnement ou à une situation de vie différente, sont également courants chez les personnes victimes de changements environnementaux subis.

Progrès technologiques

Les progrès technologiques, tels que l’utilisation généralisée des médias sociaux, ont eu un impact significatif sur notre vie quotidienne. Bien qu’ils aient eus une portée significativement avantageuse sur nos vies,  notamment un accès instantané à l’information et aux personnes, au point d’avoir modelé l’ensemble des comportements les rendant plus réactifs, plus impulsifs, plus dépendants, ils ont également contribué à des problèmes de santé mentale. L’usage intensif des médias sociaux a  entraîné un  isolement social en masse, les individus investissant plus de temps en ligne qu’en présentiel avec des amis et de la famille. Les mobiles donnant accès à cet univers virtuel, s’invitent même dans les réunions présentielles amicales ou familiales. On peut se retrouver face à l’autre, tout en étant connecté à d’autres. Une étude menée par l’Université de Pittsburgh a révélé que l’utilisation fréquente des médias sociaux était associée à une augmentation de 2,7 fois du risque de dépression chez les jeunes adultes.

En outre, la cyberintimidation (4) est devenue un problème toujours plus préoccupant, à partir de laquelle, le sujet quel que soit son âge, peut être victime de harcèlement en ligne, de menaces et d’insultes anonymes. Les adolescents étant passés à l’acte, les personnes hôpitaux ou entreprises victimes ransonwares,  dénotent de l’ampleur du phénomène et de ses conséquences, notamment la santé mentale, en particulier chez les jeunes plus vulnérables aux pressions sociales et à l’opinion d’autrui.

Les médias sociaux offrent parfois des contenus qui exposent le sujet à des images idéalisées de beauté et de réussite,  pouvant entraîner des sentiments d’insatisfaction et de dévalorisation de soi.

Enfin, l’usage outrancier des médias sociaux entraîne chez un grand nombre de jeune des difficultés à l’endormissement, ce qui fait perdurer le temps d’exposition face aux appareils mobiles jusqu’à tard dans la nuit. Le manque de sommeil peut à son tour avoir des effets néfastes sur la santé mentale, y compris la dépression et l’anxiété.

L’allongement de la vie

L’espérance de vie étant de plus en plus importante, engendre l’un des principaux défis de santé publique, dans de nombreux pays du monde. L’augmentation de l’espérance de vie, allant de pair avec l’accroissement de la prévalence des maladies liées à l’âge, notamment les troubles neurodégénératifs tels que la maladie d’Alzheimer et la démence. Ces maladies ont un impact significatif sur la qualité de vie des patients, ainsi que sur leurs familles et leurs soignants.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 50 millions de personnes dans le monde sont atteintes de démence, et chaque année, avec près de 10 millions de nouveaux cas. La maladie d’Alzheimer étant  la forme la plus courante de démence, représentant environ 60-70% des cas.

Plusieurs études ont examiné l’association entre l’âge de la population et la prévalence des troubles neurodégénératifs. Une étude publiée en 2020 parue dans ‘’Journal of Alzheimer’s Disease’’ a examiné la prévalence de la démence chez les personnes de plus de 65 ans et ce dans plusieurs pays européens. Les résultats ont affiché une augmentation significative de la prévalence de la démence avec l’âge, atteignant près de 30% chez les plus de 85 ans.

Ces résultats soulignent l’importance de la prévention et de la prise en charge des maladies liées à l’âge, en particulier la maladie d’Alzheimer et la démence, dans l’idée d’améliorer la qualité de vie de ces futurs patients ainsi que celle de leurs familles, tout en ayant le souci de réduire leur impact économique  sur les systèmes de santé et la société dans son ensemble.

Augmentation du trouble du spectre autistique

Le diagnostic du trouble du spectre autistique (TSA) s’est amélioré ces dernières années grâce à une meilleure compréhension de ses caractéristiques cliniques ainsi qu’à une sensibilisation plus importante du public et des professionnels de la santé. Les changements dans les critères de diagnostic ont également contribué à l’augmentation des diagnostics. Le DSM-5 en 2013, a élargi les critères de diagnostic pour inclure des sous-types de TSA tels que le trouble du spectre autistique non spécifié et le syndrome d’Asperger.

L’augmentation de la prévalence des TSA (5) ne peut être entièrement expliquée par une performance diagnostique. Des études ont également montré qu’il existe une augmentation réelle de la prévalence des TSA au fil du temps. Des facteurs environnementaux et génétiques contribuent à leur développement, notamment, l’exposition à des produits chimiques toxiques, comme le plomb et le mercure, pendant la grossesse, ainsi que des infections prénatales ou postnatales. Quant aux facteurs génétiques , il semble qu’il y ait une altération de certains gènes (6) identifiés chez certains individus atteints de TSA.

L’augmentation de la prévalence des TSA peut être due à une combinaison de facteurs, notamment une meilleure reconnaissance et un meilleur diagnostic, ainsi que des facteurs environnementaux et génétiques.

Facteurs socio-économiques

Les facteurs socio-économiques peuvent avoir un impact sur la santé mentale de différentes manières.

La pauvreté est liée à un manque de ressources financières et matérielles, telles qu’un logement décent, un manque d’accès aux soins, une maigre absorption d’éléments nutritifs, des activités récréatives peu fréquentes voire inexistantes, mais également à un réseau social restreint créant un isolement social. Le manque d’accès à l’ensemble de ces ressources est souvent générateur de un stress constant  (7) menaçant la santé mentale. De plus, la pauvreté peut également limiter l’accès à l’éducation et aux opportunités de travail, ce qui peut entraîner une diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi.

Les inégalités sociales peuvent également contribuer à la prévalence des troubles mentaux, en particulier dans les populations vulnérables telles que les minorités ethniques ou les personnes ayant un faible niveau d’éducation.

Une étude (8) a montré que les personnes à faible revenu avaient une probabilité plus élevée de présenter des symptômes de troubles mentaux tels que l’anxiété et la dépression. Une autre (9)  a montré que les personnes sans emploi étaient plus susceptibles de présenter des symptômes de dépression que les personnes ayant un emploi stable.

L’intelligence artificielle et les statistiques sur les pertes d’emplois indiquent que l’économie mondiale pourrait perdre des centaines de millions de postes substitués par l’Intelligence artificielle,  au cours des prochaines décennies, en particulier dans les secteurs où les compétences non techniques ne constituent plus une partie significative de la description de poste, soit 375 millions d’emplois obsolètes au cours de la prochaine décennie, mais pourrait en générer  97 millions. Seuls les plus prompts à s’adapter s’en sortiront, le reste risquerait de succomber aux maladies inhérentes à l’inutilité.

Ces facteurs interagissent les uns avec les autres  et de façon générale, la combinaison de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux influence la santé mentale de manière complexe et dynamique. Il est donc urgent que soient mis en place des dispositifs permettant d’apporter les réponses appropriées aux différentes population.

 (1) OMS. (2021). Santé mentale et COVID-19. https://www.who.int/fr/campaigns/connecting-the-world-to-combat-coronavirus/healthyathome/healthyathome—mental-health

  (2)  Kaiser Family Foundation. (2021). The Implications of COVID-19 for Mental Health and Substance Use. https://www.kff.org/coronavirus-covid-19/issue-brief/the-implications-of-covid-19-for-mental-health-and-substance-use/

 (3) Le Goff, M., Mahrouf-Yorgov, M., Combescure, D. et al. Mental health during the COVID-19 pandemic in the French population: results from the national ‘CoviPrev’ survey. Gen Hosp Psychiatry 69, 41-47 (2021). https://doi.org/10.1016/j.genhosppsych.2020.11.007

 (4) Hamm MP, Newton AS, Chisholm A, et al. Prevalence and Effect of Cyberbullying on Children and Young People: A Scoping Review of Social Media Studies. BMC Public Health. 2021;21(1):685. doi:10.1186/s12889-021-10727-4

 (5) – Shelton JF, Geraghty EM, Tancredi DJ, et al. Neurodevelopmental disorders and prenatal residential proximity to agricultural pesticides: the CHARGE study. Environ Health Perspect. 2014;122(10):1103-1109. doi:10.1289/ehp.1307044

– Lyall K, Croen L, Daniels J, et al. The changing epidemiology of autism spectrum disorders. Annu Rev Public Health. 2017;38:81-102. doi:10.1146/annurev-publhealth-031816-044318

 (6) Genetic contributions to autism spectrum disorder

 (7) Lesage, A., Boyer, R., Grunberg, F., Vanier, C., & Morissette, R. (1991). Les inégalités sociales de la santé mentale au Québec. Canadian Journal of Psychiatry, 36(8), 523-531.

Lorant, V., Deliège, D., Eaton, W., Robert, A., Philippot, P., & Ansseau, M. (2003). Socioeconomic inequalities in depression: A meta-analysis. American Journal of Epidemiology, 157(2), 98-112.

    Pickett, K. E., & Wilkinson, R. G. (2015). Income inequality and health: a causal review. Social Science & Medicine, 128, 316-326.

 (8) Le Goff, M., Mahrouf-Yorgov, M., Combescure, D. et al. Mental health during the COVID-19 pandemic in the French population: results from the national ‘CoviPrev’ survey. Gen Hosp Psychiatry 69, 41-47 (2021). https://doi.org/10.1016/j.genhosppsych.2020.11.007

 (9)Job loss and mental health during the COVID-19 lockdown: Evidence from South Africa

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