Le beau : inné ou acquis ?

La perception de la beauté est un processus complexe, qui depuis des temps immémoriaux alimente la langue des poètes, des artistes, des romanciers et des philosophes.

Des découvertes archéologiques ont révélé que des formes d’art anciennes ont été produites il y a plus de 70 000 ans en Afrique, comme des perles en coquillage et des gravures sur des pierres.

Les peintures rupestres découvertes dans des grottes en France, telles que celles de Lascaux en Dordogne, Chauvet (Ardèche), Niaux (Ariège) et Font-de-Gaume (Dordogne), mais aussi en Espagne, à Altamira et à d’El Castillo, Valence. Ces peintures en tant qu’expression artistique et esthétique remontent à plus de 40 000 ans. Les premières sculptures connues datent d’il y a environ 30 000 à 40 000 ans, et ont été découvertes dans des sites archéologiques en Europe et en Asie. Elles ont été façonnées à partir de matériaux tels que la pierre, l’os et l’ivoire, et étaient utilisées à diverses fins, y compris la religion, l’art et la magie.

Le beau invite à une expérience protéiforme du sensible. Il conjugue la , à l’harmonie, à la clarté ainsi qu’à l’appel des sens d’où il en émane une émotion propre à l’effet en soi et de soi. Et pour cause, les premières représentations artistiques connues de figures humaines, comme les peintures rupestres préhistoriques, suggèrent que les premiers humains étaient sensibles à la beauté du corps humain et cherchaient à le représenter dans leurs œuvres.

De plus, des études anthropologiques montrent que les critères de beauté varient selon les cultures et les époques, mais certains éléments tels que la symétrie du visage, la clarté de la peau et les proportions du corps ont souvent été considérés comme des signes de beauté universels.

L’une des plus connues est la théorie esthétique de Platon, qui soutient que le beau est une réalité objective et transcendante qui peut être appréhendée par la raison plutôt que par les sens. Selon Platon, les objets physiques ne sont que des reflets imparfaits de l’idée du beau, qui existe indépendamment de tout objet particulier.

Une autre théorie développée par le philosophe allemand Kant, dans son œuvre « Critique de la faculté de juger » . dans laquelle il soutient que le beau est une qualité subjective qui émane de l’interaction entre notre esprit et le monde sensible. Il procure à l’être un plaisir désintéressé souverain et indépendant de l’utilité ou de la finalité.

Face à l’émerveillement esthétique, le mot est encore trop réducteur, trop maigre, trop humble, trop terne, pour oser dire l’ineffable. Nous nous montrons face à lui, comme sans voix, transi, statufié.

Quelle chimie se trame en l’être, qui en vienne à le minéraliser, tel un fragment de rocher abandonné sur le sable au bord de l’océan ?

L’expérience du beau appelle l’activation de nombreuses régions du cerveau, notamment différentes structures du cortex qui varient selon le sens stimulé. Ce peut être le cortex visuel, le cortex préfrontal et le système limbique.

Le cortex visuel, instigateur en chef de la perception des couleurs, des formes et des textures, tandis que le cortex préfrontal est impliqué dans la prise de décision et l’évaluation des émotions. Le système limbique, quant à lui, est impliqué dans le traitement des émotions et de la motivation.

Nombre de recherches ont mis en évidence l’activation de  zones corticales précises face à la perception de la beauté : le cortex orbitofrontal, le cortex cingulaire antérieur et le striatum ventral.

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) a permis d’explorer l’activité du cortex orbitofrontal lors de la perception de goûts agréables et désagréables. Les résultats montrent  qu’il est activé lors de la perception de goûts agréables, suggérant ainsi que cette région du cerveau joue un rôle dans l’évaluation et la régulation émotionnelle des expériences plaisantes. Bien que cette étude se concentre sur la perception des goûts, les résultats peuvent également s’appliquer à la perception de la beauté.

Le cortex orbitofrontal  fait appel également  à des informations en provenance d’autres régions du cerveau pour évaluer l’expérience de la beauté, notamment celles en rapport avec la sensorialité. Notamment, le cortex visuel fournit des informations sur les caractéristiques visuelles de l’objet, tandis que le système limbique fournit des informations sur l’émotion positive ressentie quant à la visualisation de l’objet attirant.

La façon dont la perception de la beauté active le cortex orbitofrontal dépend de nombreux facteurs, notamment les caractéristiques de l’objet perçu, le contexte de la perception et la personnalité individuelle.

Le cortex cingulaire antérieur est également stimulé lors de l’évaluation des caractéristiques esthétiques d’un objet, comme sa symétrie, sa régularité, ou encore lors de l’appréciation de l’art ou de la musique. Cette région est également activée lors de l’expérience d’émotions positives associées à la perception de la beauté.

Des études ont montré que l’activation du cortex cingulaire antérieur lors de la perception de la beauté peut également être modulée par des facteurs émotionnels et contextuels. Par exemple, la beauté perçue d’un objet peut être influencée par des facteurs tels que l’humeur de l’observateur ou le contexte culturel.

Nous sommes alors conduit à nous interroger si la perception de l’esthétique relève -t-elle de l’inné ou l’acquis ?

Le débat perdure ! Certains chercheurs soutiennent que la perception de la beauté est en partie innée et universelle, ce qui signifie que certaines caractéristiques physiques sont perçues comme belles à travers les cultures et les époques. Tandis que d’autres chercheurs soutiennent que la perception de la beauté est largement influencée par l’environnement et les expériences individuelles, ce qui signifie que les normes de beauté varient considérablement d’une culture à l’autre.

Nous optons en toute hypothèse, pour une synthèse des deux argumentations considérant que la sensibilité à l’esthétique résulte d’une interaction complexe entre des facteurs innés et acquis, notamment des préférences biologiques héritées, des influences culturelles et des expériences personnelles.

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